Helvétie, terre de fondationsLa vitalité des musées privés est illustrée par l’inauguration de la fondation Schaulager et la publication du catalogue raisonné de la fondation Reinhart.
| La Fondation Schaulager à Bâle
© Adrian Fritschi, Zürich |
Si les noms de Beyeler et de Gianadda sont connus du grand public, le panorama des fondations suisses est bien plus large. Il vient de s’enrichir d’une nouvelle recrue : Schaulager, un espace original, à mi-chemin entre musée classique et entrepôt, conçu par les architectes Herzog et de Meuron à dix minutes de Bâle. L’aventure commence en 1999, lorsque Maja Oeri, la présidente de la fondation Emanuel Hoffmann, décide de trouver un lieu à la mesure de cette collection d’art contemporain entreprise dans la première moitié du siècle et qui privilégie les modes d’expression les plus nouveaux. La Kunsthalle, puis le Kunstmuseum et le Musée d’art contemporain de Bâle ne suffisent pas à présenter ce qu’elle est aujourd’hui devenue, soit un ensemble de quelque six cent cinquante oeuvres. Fractionnée, conservée dans des caisses, elle risque de s’endommager. C’est pourquoi Maja Oeri crée en 1999 la Laurenz Foundation - une preuve de plus que le mécanisme des fondations est bien rodé - chargée de rassembler les dons privés qui vont étayer le projet. La mission impartie à Herzog et de Meuron est de concevoir un lieu qui permette d’entreposer et d’exposer simultanément la collection, ainsi que de présenter des expositions temporaires. A l’intérieur, les espaces aux murs amovibles sont ordonnés autour d’un atrium central, qui permet une appréhension d’ensemble du fonds. Deux pièces taillées sur mesure accueillent les installations de Katharina Fritsch et Robert Gober. Le bâtiment a la forme d’un polygone et ses murs mêlent béton et argile, les architectes ayant tenu à garder visible la matière extraite des fondations. Les fenêtres, dessinées par ordinateur d’après les formes d’un galet, composent à elles seules un paysage. La première exposition consacrée à Dieter Roth ne sera pas dépaysée puisque l’artiste accueillait déjà dans ses réalisations tous les avatars de la nature à l’œuvre dans les matières organiques.
A une demi-heure de Zurich, Winterthur est un haut lieu de l’assurance mais aussi une terre de musées. La ville possède, outre le Musée Flora et le Kunstmuseum, la collection Reinhart. Homme d’affaires et amateur d’art, Oskar Reinhart (1885-1965) quitte en 1924 l’entreprise familiale, la Volkart Bros, pour se consacrer entièrement à sa passion. Célèbre pour ses peintures allemandes, flamandes et hollandaises et ses tableaux français du XIXe siècle, la collection se dote enfin du catalogue scientifique qu’elle méritait. Ce grand projet a été lancé par la conservatrice, Mariantonia Reinhard-Felice, à la suite de la rénovation, en 1996-98, de la fondation, établie dans la demeure privée de Reinhart, la villa Am Römerholz. Soutenu financièrement par l’office fédéral de la Culture, par les assurances Whinterthur et la fondation Volkart, il a réuni les meilleurs spécialistes internationaux autour des œuvres traitées. L’iconographie, les datations, les sources et la fortune critique de certaines œuvres ont pu être précisées. Certaines attributions ont été revues : c’est ainsi qu’un dessin de Rembrandt a été rendu à Carel Fabritius ou qu’un portrait de forgeron a été rendu à Rembrandt. Un portrait de Goya, à la touche tactile et ample, serait l’œuvre plus tardive d’un disciple, le goût prononcé de Reinhart pour une touche libre et « impressionniste » avant l’heure lui ayant visiblement joué quelques tours. L’un des bijoux de la collection est la célèbre toile de Manet Au café. Mais elle a été coupée en deux par l’artiste lui-même. Pour voir le second panneau, il faudra passer la Manche : il est conservé à la National Gallery de Londres.
| Emmanuelle Amiot 19.06.2003 |
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