Venet s'oxyde aux TuileriesLes grands arcs métalliques de Bernar Venet, inaugurés en grande pompe par le ministre de la Culture, consacrent un des artistes français les plus «internationaux».
| Bernar Venet © D.R. |
PARIS. Il y a près d'un demi-siècle, un tout jeune Bernar Venet (né en 1941) se faisait expulser de l'école municipale d'art de Nice pour avoir - dit la légende - pris la défense de Picasso devant ses condisciples. Trois ans plus tard, en 1961, il expérimentait dans la solitude du grenier de la caserne de Tarascon : des coulures d'encre réalisées en quelques secondes, des compositions de goudron avec les pieds. Aujourd'hui, sans avoir jamais renié son goût pour les matériaux lourds de l'ère industrielle, Bernar (sans «d») Venet est devenu une valeur sûre de notre république des arts, l'un des rares poids lourds qui s'exportent, à côté d'Arman ou de Buren. L'inauguration de ses gigantesques arcs, lundi soir, dans le jardin des Tuileries, sous une bruine délicate, avait tout d'un événement mondain. On y croisait des artistes - Opalka ou Raynaud -, des responsables culturels, comme Serge Lemoine, le conservateur du Musée d'Orsay ou François Barré, qui pilote le projet de la fondation Pinault - mais aussi Jacques Calvet, l'ancien patron de Peugeot, Jacques Toubon ou encore Philippe Séguin.
Ordre et désordre
Tous examinaient ces pièces en acier core-ten, auxquelles la rouille donne un grain, un épiderme, en parfaite adéquation avec les couleurs de l'automne, et en contraste stimulant avec les sculptures néo-classiques - nymphes ou divinités barbues - qui agrémentent le parc de Le Nôtre. Deux ensembles sont distants d'une centaine de mètres. Le premier, du côté de la fontaine, est un groupe de cinq arcs alignés (pesant chacun 3 tonnes) qui symbolise l'ordre, le second, sept arcs disposés de façon arbitraire, symbolise le désordre. Chacun de ces arcs est d'une longueur précise, gravée sur la tranche, entre 220° et 224°. Pourquoi un tel souci d'exactitude ? «Pour que l'on évite de les interpréter, nous répond leur créateur. Pour que ce soit quelque chose de très précis et que l'on ne dise pas : c'est un croissant de lune, c'est ceci, c'est cela.» Motif récurrent de Venet après les «lignes indéterminées» et les «droites/obliques», ces arcs en acier oxydé ont déjà connu une belle diffusion internationale : on en trouve à Nice aux jardins Albert Ier, sur l'Urania Platz à Berlin, au Musée du Québec ou devant le théâtre de Brasilia. Cette dernière livraison devrait être présentée en 2004 à New York, sur Park Avenue.
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