Quelle couleur pour la porte de Brandenbourg ?

Comment la future couleur de la porte de Brandenbourg peut-elle soulever tant de passions ?
Petra Reetz. Dès le début des travaux de rénovation dont cet édifice est l’objet depuis un an, la question de la teinte de la porte de Brandenbourg a été posée. Ce bâtiment classique construit sous le règne de Frédéric Guillaume II en 1788-1791 par l’architecte Carl Gotthard Langhans aîné, a servi de décor aux revirements de l’histoire allemande, de la Révolution de de mars 1948 à la fête de la Réunification de la ville et du pays le 3 octobre 1990. Il a donc une grande importance symbolique pour Berlin et ses habitants, et il était important de lui donner une couleur qui fasse l’unanimité. Par ailleurs, la Porte s’inscrit dans la perspective de « Unter den Linden », cette célèbre allée sous les tilleuls qui date de la même époque. Il s’agit donc de tous points de vue d’un monument très représentatif pour Berlin, auquel les deux parties de la ville s'identifient.

De quelles sources disposez-vous pour choisir la couleur adéquate ?
Petra Reetz. Nous avons consulté les archives pour essayer de définir quelle était la teinte originelle du bâtiment, mais celles-ci ne nous renseignent pas beaucoup puisque les témoignages sont subjectifs et parfois contradictoires, et qu’il n’existait pas de photographie à l’époque. Le seul élément sur lequel nous puissions nous reposer est le fait que le modèle sur lequel s’est appuyé l’architecte pour réaliser les colonnes doriques de la porte de Brandenbourg était l’Acropole d’Athènes. La porte devait donc être d’un blanc éclatant, rehaussé du quadrige doré. Une petite anecdote amusante nous est parvenue à propos de cette couleur blanche : comme les architectes n’avaient pas les moyens d’acheter du marbre, ils ont concocté une mixture à base de calcaire et de lait de vache pour obtenir la teinte blanche nécessaire. Aux premières chaleurs du printemps, le bâtiment a dégagé une odeur pestilentielle qui aurait poussé les peintres à la repeindre. À-partir de ce moment, la Porte a régulièrement changé de couleur. Lors de restaurations en 1804, les parties de pierre de sable ont été refaites en nuances de brun « café au lait », quelques années plus tard elles étaient repeintes en gris foncé, puis en gris clair… Les clichés que nous possédons de la porte de Brandenbourg nous en donnent plusieurs versions, allant du gris au brun rosé. Il semblerait cependant que la couleur « pierre de sable » que nous connaissons soit celle qui a le plus fréquemment revêtu la Porte depuis la dernière restauration de l'édifice au 19e siècle.

Quels sont les principaux points de vue défendus dans ce débat ?
Petra Reetz. Il y deux grandes parties opposées : celle qui souhaite rendre à la porte sa couleur originelle, et celle qui défend la teinte à laquelle les Berlinois sont habitués et que nous connaissons tous. Cependant, il semble difficle de donner à l’édifice sa teinte originelle si nous ne pouvons la définir avec certitude. Depuis la mi-septembre, les passants peuvent voter pour leur couleur préférée grâce à un système d’urnes, placé près de la Porte. Les quatre teintes proposées sont le blanc, le gris, le café-au-lait et la teinte « pierre naturelle ». Chacun est invité à déposer une pièce de 1 Pfennig dans l’urne proposant la couleur choisie. Ce système, qui restera jusqu’à la mi-octobre, remporte un très grand succès. Nous comptons près de 4000 votes par jour, c’est-à-dire que nous avons déjà rassemblé près de 50 000 Pfennigs. La tendance penche très clairement vers la teinte « pierre naturelle », qui est celle que nous connaissons et qui s’inscrit le mieux dans le paysage berlinois actuel. La somme récoltée par ce vote sera remise à l’association responsable de la protection des monuments historiques, qui l’investira de nouveau dans l’entretien de la porte de Brandenbourg. La décison finale, prévue pour la mi-décembre, reviendra au Sénat. Outre l’avis des passants et des historiens, celui-ci devra prendre en compte différents critères comme la couleur du ciel berlinois et la lumière très claire, typique de cette ville, mais aussi l’influence de la pollution sur le bâtiment. La teinte choisie doit par ailleurs s’inscrire parfaitement dans le paysage architectural berlinois actuel, dont la dominante est la pierre de sable.