Afrique en haute liceLa création textile est l'un des points forts de l'art africain. John Gillow en analyse les différentes expressions, sans se laisser déborder par l'érudition.
Dernier opus de John Gillow, prolifique auteur britannique dont les impressionnants ouvrages sur les étoffes du monde entier se sont imposés comme autant de références en la matière, Textiles africains se montre à la hauteur des titres précédents. Avec un regard d’anthropologue, Gillow met en lumière l’intérêt réel de ce voyage en apparence tout en légèreté et couleurs : les tissus, qu’ils soient destinés à devenir vêtements ou tentures, sont le langage commun aux peuples africains. Symboles hiérarchiques, symboles d’appartenance religieuse, d’héritage culturel, c’est l’histoire de ce continent qui s’écrit sous les doigts de ses artisans. Cinq sections distinctes composent l’ouvrage, chacune consacrée à une région : Afrique occidentale, Afrique du Nord, Afrique orientale, Afrique centrale, Afrique australe. En préambule à chaque section, une introduction minutieuse présente les ethnies régionales, leur mode de vie, leur histoire et leurs traditions. Outre les us et coutumes, Gillow s’intéresse aux dessous de la production, aux coulisses du commerce : à qui la production est-elle destinée ? Quels changements a pu engendrer le développement de réseaux commerciaux au-delà des frontières ? Il évoque, au sein de diverses sociétés, les transitions politiques et économiques, le rôle dévolu à chacun des deux sexes et son évolution, laissant enfin la part belle aux méthodes de fabrication.
Une créativité sans bornes
Ainsi on découvre, parmi beaucoup d’autres, les peuples Ormo et Galla, habitants des montagnes de l’Afrique orientale, essentiellement connus pour leur production d’étoffes de coton, élaborées selon des techniques ancestrales. Enduites de beurre clarifié, les pièces de tissu fournissent des vêtements aux propriétés très recherchées : chaleur, résistance et imperméabilité sont conférées au tissu grâce à ce traitement. Le lecteur apprend également les différences entre tissage sur métier horizontal et sur métier vertical (basse et haute lice), au Niger par exemple, ou à distinguer le fil de chaîne du fil de trame. En Côte d’Ivoire, au Mali, les tisserands maîtrisent également l’art de teindre les tissus de mille et une manières pour autant de rendus : teinture sur noeuds, variété de motifs créés grâce à une réserve à l’amidon, à la cire ; ailleurs, on préfère les imprimés au tampon, au pochoir… Parfois accompagnées de croquis explicites qui détaillent les techniques, les centaines de photographies illustrent parfaitement les propos de l’auteur. Clichés récents ou d’antan, en noir et blanc, présentent des autochtones affairés sur leurs métiers ou arborant les ouvrages réalisés par leurs soins. Laine ou coton, perles et plumes, cuir, coquillages, écorce de bois, la créativité ne semble connaître aucune limite et certainement pas celle de la pauvreté des ressources, pourtant indéniable dans certaines régions. C’est toute l’histoire et la vie quotidienne de l’Afrique qui défile sous les yeux du lecteur, qui s’imprime, se grave, se brode, offrant une alternative à la tradition orale.
Mieux qu'un «coffee table book»
En fin d’ouvrage se trouvent la cartographie – un peu sommaire toutefois -, l'index, le glossaire et la liste des collections muséographiques sur le sujet à travers le monde : un véritable ouvrage de fond, à l’opposé des «coffee table books» dont les éditeurs inondent le marché quelques semaines avant les fêtes de fin d’année, aussi enrichissant et agréable à lire qu’à feuilleter avec ses magnifiques illustrations. On est cependant un peu déçu par le choix de l’illustration de couverture, assez peu représentative de la richesse, de la variété et de l’ingéniosité dont font preuve les ethnies rencontrées au fil des pages. Pourquoi ne pas avoir opté pour le photomontage en mosaïque qui accompagne l’introduction générale, et qui a le mérite de proposer un plus vaste éventail des matières et techniques que cet ouvrage nous fait découvrir ?
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