VALIE EXPORT, le poids des mots, le poids des photosL'artiste autrichienne, qui s'est choisi un nom d'emprunt symbolique, met son corps en scène et démonte les mécanismes de l'image.
| Smart Export, 1970
Photographie & © :
Gertraude Wolfschwenger |
Les internautes savent que lorsque l’on écrit en majuscule, on crie. Nous ne crions pas à chaque fois qu’il est écrit VALIE EXPORT. En 1968, Waltraud Höllinger décide de laisser choir l’habit civil, le nom du père, pour un logo, une marque de fabrique : VALIE EXPORT. Campée dans l’attitude revendicatrice et pratiquant non moins le détournement - au sens situationniste du terme - l’artiste féministe fera de son corps le matériau premier de sa création, en termes de marketing (Smart EXPORT, Semper & Ubique, 1970), de performance (Tapp und Tastkino, 1968), de violence (Remote… Remote, 1973). D’une grande force formelle, une série de photographies montre VALIE EXPORT jouer avec l’architecture de son corps, en milieu urbain ou rural. Ces contorsions, parfois accentuées par le rehaut d’un trait à l’encre noire (Konfiguration in Dünenlandschaft, 1974, Zustützung, 1976), disent la charpente et la tension sociales. D’autres photographies jouent avec l’illusion de la distance, alors que la main incluse dans le champ sert d’étalon (Aus dem Geometrischen Schizzenbuch der Natur, Finger Square, 1973).
| Action Pants: Genital Panic, 1968
© VALIE EXPORT |
Trop de grisaille
Après Paris, la rétrospective consacrée à VALIE EXPORT sera montrée successivement au Centre Andalou d’Art contemporain à Séville, au Mamco de Genève, au Camden Arts center de Londres, pour enfin être visible, en 2005, au Sammlung Essl, à Vienne. Capitale hautement symbolique pour ce qu’elle a généré de transgressif, depuis l’époque de la Sécession, jusqu’à celle de l’Actionnisme ; c’est aussi (avec Cologne) la ville où travaille l’artiste. Gageons que dans ces grands lieux d’art contemporain, l’exposition fera l’objet d’une meilleure mise en espace. Car l’accrochage au Centre national de la photographie donne dans la grisaille, sans grand relief. Les œuvres semblent jetées éparses, çà et là, sans grande conviction. Alors que la production de VALIE EXPORT est d’une force subversive (terme à replacer dans le contexte historique de 1968), elle se joue cependant ici en sourdine. S’il est vrai que, formellement parlant, l’art des années 1970 est volontairement réducteur dans son propre mode d’émission avec la rudesse de ses textes typographiés, ses photographies noir et blanc, ou encore la rigueur du dessin schématique - ce qui en fait un art très daté -, peut-être aurait-il mieux valu alors mettre en évidence l’actualité du travail, de la démarche.
L’image et ses mécanismes
Avec les dessins, par exemple, pour leur facture, faussement naïve. Crayon noir - parfois couleur - sur papier, d’une grande force expressive, dont la nature accentue l’atmosphère inquiétante des scènes (Die Wünsche eines Kindes, 1972)… sans oublier l’enjeu très up to date de la labellisation identitaire, d’une part, et des mécanismes de l’image lorsqu’elle fait autorité, dans la publicité notamment. Questionner la nécessité actuelle face au sexe parlé, filmé et écrit, aussi. Bref, beaucoup de mises en relation à réaliser, de ponts à jeter entre les signes d’une époque et les nôtres, pour que le modèle d’une rétrospective évolue dans l’art de l’exposition, délaisse la tentative muséifiante pour célébrer la pertinence d’un travail à même de traverser les époques.
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