Giorgione, le peintre le plus rare du mondeL'Accademia de Venise présente neuf œuvres du maître de la Renaissance. C'est à la fois peu et beaucoup : près de la moitié de son corpus…
| La Vierge avec l'Enfant, saint
François et saint Nicaise ( ou
saint Libéral), retable, 200,5 x
144,5 cm. Castelfranco Veneto,
cathédrale.
© Archives photographiques
de la Soprintendenza, Venise. |
VENISE. Les Giorgione sont une espèce menacée, encore moins nombreuse que les Vermeer. En une dizaine de tableaux, on fait presque le tour de sa production reconnue. «Et encore ! tempère Giovanna Nepi Scirè, coordinatrice de l'événement et surintendante aux beaux-arts de la Vénétie. Sur les vingt-cinq œuvres admises comme étant de Giorgione (1478-1510), certaines sont encore discutées. En réalité, il ne nous manque que deux tableaux-phares pour faire de cette rétrospective un événement tout à fait complet : la Judith de l'Ermitage et la Vénus endormie de Dresde.» La rétrospective de référence, inégalable, c'est celle de 1955, également à Venise. Alors pourquoi avoir voulu répéter le rendez-vous, en moins ambitieux ? «Nous venons d'achever la restauration du célèbre retable de Castelfranco Veneto. En attendant qu'il retourne dans la chapelle de San Liberale, ce qui nécessite l'installation d'un système de climatisation, nous avons voulu faire le point sur les recherches en cours.»
| La Tempête, huile sur toile,
82 x 73 cm, Venise, Gallerie
dell’Accademia
© Archives photographiques
de la Soprintendenza, Venise. |
Le flair de Ruskin
A côté du retable, figurent au cœur de l'exposition les autres Giorgione conservés à Venise. Trois sont à l'Accademia, la Vieille, une Jeune Femme nue, dernier reliquat de la fresque qui ornait l'entrepôt des marchands allemands, le Fondaco dei Tedeschi, et la très célèbre Tempête. De la Scuola Grande di San Rocco provient un Christ porte-croix. Le Kunsthistorisches Museum de Vienne a prêté Laura et les Trois Philosophes à condition de pouvoir recevoir ensuite l'exposition. Le Musée Boijmans van Beuningen de Rotterdam s'est joint à l'initiative avec l'unique dessin connu de Giorgione, Personnage dans un paysage. L'œuvre probablement la moins bien connue est ce Putto ailé, acheté par John Ruskin au XIXe siècle et conservé dans une collection privée anglaise. Il n'a pu être étudié que récemment et est désormais reconnu comme un deuxième fragment de la fresque du Fondaco dei Tedeschi.
| Trois philosophes, huile sur toile,
123,5 x 144,5 cm, Vienne
© Kunsthistorisches Museum
Photo Stefan Zeisler. |
Giorgione chez lui
L'exposition a évidemment un but scientifique. «Nous avons effectué une étude poussée, en réflectographie, des dessins préparatoires, sous la couche picturale. Leur analyse devrait permettre de confirmer des attributions.» Il faudra peut-être attendre pour cela l'exposition de Vienne, qui présente d'autres œuvres comme la Madone Benson de Washington ou le Portrait Giustiniani de la Gemäldegalerie de Dresde. En attendant, on pourra parcourir la région jusqu'à Castelfranco Veneto pour visiter la Maison de Giorgione, dont la fresque, attribuée elle aussi sans certitude au peintre, vient d'être restaurée. Ce sera l'occasion de découvrir, dans la dure lumière de l'hiver, les paysages de collines qui l'ont inspiré dans sa courte carrière.
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