Alice Anderson, Ma Mère
| | Alice Anderson au pays de la vidéoLa jeune Anglaise a reçu hier, pour ses créations vidéo, le prix Gilles Dusein, décerné par la fondation NSM Vie.
Au fond de la chapelle de l'Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts, Bartolomeo Colleoni n'en a pas dormi de la nuit. Le fameux condottière de Verrocchio, plus habitué aux cris des gondoliers et aux harangues des provéditeurs qu'à la vidéo contemporaine, a dû supporter stoïquement des scènes de famille résolument d'avant-garde… « Je ne suis de nulle part, explique la belle Anglaise, dans un accent français impeccable. ou de partout…» Son premier extrait vidéo, qui est à deux doigts de déraper - sans oser le faire - vers le nonsense d'Edward Lear ou de Lewis Carroll, avec une fille qui joue le rôle de sa mère à l'écoute de sa fille, nous convainc du contraire. Les aventures du drôle de couple continuent avec une errance - bavarde et onirique - entre un déplorable panneau d'affichage sur fond de prairie (s'il avait été en couleur, il aurait attiré le photographe Martin Parr) et de gros grains d'une matière indéfinie. De la flanelle, du tweed, des reflets sur un gobelet de métal ? Exactement le genre de question qui aurait pu occuper le lapin blanc dans sa chute… On finit par une course nocturne sur Oxford Street. On reconnaît au passage les devantures d'Angus Steak House, de Garfunkel's ou d'un Post Office mais on préfère se croire dans un traveling urbain de Cassavetes ou les enseignes s'écrasent en tâches de couleurs, comme dans les tableaux du Renoir fatigué de fin de carrière.
Comment en vient-on à recevoir ce prix, dédié à un galeriste disparu de la scène parisienne, octroyé par une banque hollandaise et le Maison Européenne de la Photographie ? « Je viens d'une famille modeste. ll n'était pas question pour moi de pouvoir me servir d'une vidéo, c'était un luxe. Quand je suis arrivée ici, aux Beaux-Arts, j'ai pu emprunter une caméra. Pour moi, la vidéo n'est qu'un prolongement des performances que j'avais faites. Elle me permet de retranscrire une fiction. Comme dans mes grands dessins, je veux mettre devant ce qui est caché. » Au musée Zadkine, Alice Anderson a peint des feuilles d'arbres et des fleurs, a recouvert les troncs d'une ligne blanche qui, sinon, serait restée cachée derrière, sur un mur anonyme. « Je veux donner leur chance aux laissés pour compte de la perspective.» Elle va bientôt intervenir au musée d'art moderne de la ville de Paris. Que pense-t-elle faire des 50 000 FF du prix ? « Régler mes dettes, aider des amis à produire les œuvres qu'ils n'ont pas les moyens de créer, et me donner les moyens de produire moi aussi. Je veux être indépendante. »
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