Artissima dans la cour des grands ?Pour sa dixième édition, la foire turinoise, qui accueille plus de 180 galeries, accentue son orientation en art contemporain.
| Nzingah Muhammad, In Pink 1,
2003, galerie Alberto Peola, Turin. |
TURIN. A l'approche des Jeux olympiques d'hiver 2006, la capitale du Piémont n'épargne pas ses efforts pour se placer au cœur de l'offre culturelle européenne. Artissima, créée en 1994, est l'une de ses têtes d'affiche. Alors que d'autres manifestations, comme la FIAC ou Art Cologne, continuent de s'interroger sur le dosage idéal entre art moderne et art contemporain, Artissima, à l'image de la toute-nouvelle londonienne Frieze, opte toujours de façon de plus en plus résolue pour la création actuelle. Pour cette dixième édition, la foire retrouve le cadre de ses débuts. Un cadre qui lui va bien : une grande halle industrielle du Lingotto, l'ancien quartier général de Fiat, aux larges travées de béton, très haute de plafond. Une ambiance loft, en harmonie avec l'apparence volontairement sommaire de la scénographie : parois montées à la va-vite, avec fils électriques apparents, sol brut, étiquettes griffonnées en guise de cartels.
| Marie Amar, Ici, galerie RX, Paris |
Mille euros ou cent fois plus
Les galeries les plus «in», comme la Zurichoise Hauser & Wirth ou la Londonienne Sadie Coles, s'accomodent de ce traitement, qui a l'avantage de rendre moins étanches les frontières entre les stands et de ménager de grands espaces communs. S'y déploient des œuvres curieuses, pas forcément monumentales mais qu' un parvis vide rend plus spectaculaires. Ainsi ce cheval en peluche de plus de deux mètres de haut chez Cavalieri, par Michele Mariano. C'est un morceau d'une Conversion de saint Paul (6 000 euros), inspirée du Caravage. Elle n'attend qu'un squelette pour être complète. Sous la panse de l'équidé, une pile de formulaires est à la disposition des donateur potentiels. Plus loin, chez Giorgio Persano, galerie historique de l'Arte Povera, voici Analgesia, par Paolo Grassino, un groupe de chiens, cousins de celui de William Wegman, en mousse synthétique (20 000 euros). A côté, chez Tucci Russo, une encombrante Social Situation de Tony Cragg, groupe de chaises grêlées de clous et de crochets. Entre ces bornes, on trouve de petites œuvres, tout ce qu'il y a de plus contemporain, et à tous les prix, simplement punaisées aux murs. Chez le New-Yorkais Spencer Brownstone, on trouve d'étranges origamis taillés dans des sacs à hamburger McDonald par le Japonais Yuken Teruya (1 200 euros). Chez le Berlinois Nordenhake, un simple frottage de Mona Hatoum (5 000 euros) voisine avec un mannequin d'Anthony Gormley à 145 000 euros.
Et les galeries françaises ?
Elles sont au nombre de quatorze, juste derrière les espagnoles (17), les britanniques et les allemandes (16 chacun), et devant les américaines, qui envoient une délégation nourrie (13). Beaucoup de jeunes pousses, comme RX, qui fête sa première participation à une foire internationale avec la bagatelle de deux stands. Le second est dans la section monographique «Present Future»; il s'agit ici des dessins par lesquels, deux années durant, Françoise Pétrovitch a retranscrit les nouvelles entendues chaque matin à la radio. Anne de Villepoix, à sa première présence, rapproche ses artistes italiens - Spalletti, Carol Rama, le photographe Niedermayr - de leur bassin de collectionneurs. «Turin est une ville exceptionnelle en termes de collectionneurs, soutient Claudia Cargnel, de Cosmic. Les notaires, par exemple, ou les architectes, constituent des classes très actives, beaucoup plus qu'en France, et qui acceptent de bon gré d'être conseillés, de découvrir de nouveaux artistes. De plus, la foire a une politique très efficace d'invitation de collectionneurs, étrangers bien sûr mais également Italiens.» Grégoire Maisonneuve, qui avait pu être présent à Artissima en 2002, six mois à peine après la création de sa structure, répète l'expérience. «C'est un très bon terrain et l'ambiance n'est pas prétentieuse.» La prime à la jeunesse ? Son stand est le premier à l'entrée. Là où, à la FIAC, on rencontre plutôt des valeurs établies comme Nahon ou Marlborough…
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