L'ombre des vrais-faux Warhol pèse sur New YorkUne nouvelle pluie de records est attendue pour les ventes d'art contemporain. Mais elle ne devrait pas concerner le fondateur de la Factory…
| Roy Lichtenstein, Woman with
Peanuts, 1962, huile et feutre
sur toile, 175,3 x 116,2 cm.
Est : 2 500 000 - 3 500 000 dollars
(Christie's, 11 novembre) |
NEW YORK. Sur la lancée des excellents résultats pour les maîtres impressionnistes et modernes de la semaine dernière - avec Modigliani à plus de 20 millions de dollars et Klimt à près de 30 millions - les résultats des vacations d'art contemporain, du 11 au 13 novembre, sont attendus avec optimisme. Les deux grandes maisons ont chacune trois sessions au programme. C'est évidemment l'Evening Sale ou vente du soir - le 11 novembre chez Christie's qui a pris l'habitude de tirer la première, le 12 chez Sotheby's - qui doit produire les résultats les plus spectaculaires. Chez la première, un Gray Numbers de Jasper Johns est estimé entre 5 et 7 millions de dollars. «C'est une toile qui provient d'une collection privée, explique l'expert Christophe Durand-Ruel. Elle a été acquise en 1958 chez Leo Castelli. Elle est donc hors marché depuis longtemps, c'est là un facteur d'amplification des résultats.» Chez Sotheby's, les stars sont Mark Rothko et Willem de Kooning. Du premier est proposé un N°8 (White Stripe) de 1958, aux couleurs d'un panneau de sens interdit (8-10 millions de dollars), du second Spike's Folly 1, l'un des cinq tableaux exécutés en 1959 par le leader de l'expressionnisme abstrait (10-15 millions de dollars).
| Mark Rothko, No 8 (White Stripe),
1958, huile sur toile, 207 x 232,4
cm. Est : 8 000 000 / 10 000 000
dollars (Sotheby's, 12 novembre) |
Des catalogues-miroirs…
Comme il convient, les catalogues de Christie's et Sotheby's se marquent à la culotte. Chez la première, on lit à la lettre L : Lichtenstein, Louis, et à la lettre M : Manzoni, Martin, Mitchell, Murakami. Chez Sotheby's, pour L : Lichtenstein, Louis, pour M : Manzoni, Marden, Martin, Mitchell, Murakami. Cette règle vaut pour les «classiques» mais aussi pour les «redécouvertes». Ainsi le Japonais Murakami, récemment vu à la Fondation Cartier, bénéficie-t-il, à 43 ans, de cotes supérieures à 200 000 dollars. Il faut noter que les deux tableaux en vente sont passés par la galerie parisienne Emmanuel Perrotin. Parmi les moins de 50 ans, derrière les immanquables Jeff Koons (né en 1955) et Damien Hirst (né en 1965), Peter Doig (né en 1959) devient aussi une valeur sûre. L'un de ses tableaux (White Creep chez Christie's) a lui aussi transité par une galerie française, celle de Ghislaine Hussenot : deux pièces à conviction pour ceux que chagrine le déclin de l'influence française… Parmi les redécouvertes, on suivra avec curiosité deux pièces très similaires de Lee Bontecou, la seule artiste femme de la galerie de Leo Castelli. Ces étranges compositions en toile et fil de cuivre, qui ressemblent à des diaphragmes d'appareil photographique, démarrent à 50 000 dollars. On peut supposer qu'elles iront beaucoup plus haut. Quant à Lee Krasner, l'ange gardien de Jackson Pollock, revenue d'actualité grâce à un film récent, il est temps de remarquer qu'elle n'a pas simplement défendu becs et ongles l'œuvre de son conjoint, mais qu'elle a aussi peint…
| Andy Warhol, Gold Jackie, 1964,
acrylique et sérigraphie sur toile,
50,8 x 40,6 cm. Est. 300 000 /
400 000 dollars (Sotheby's 12
novembre) |
Embrouilles sur Warhol
Les observateurs nourrissent bien quelques inquiétudes. A la veille de la vente-fleuve de Montréal, décidée par l'exécuteur testamentaire du peintre canadien, que va-t-il advenir des quelques Riopelle et Joan Mitchell ? Autrement plus sérieuse est l'inconnue qui pèse sur Warhol. Le comité d'authentification, constitué en 1995, a annoncé il y a quelques semaines, par l'entremise de son avocat, Ron Spencer, que de nombreuses œuvres attribuées à Warhol ne seraient pas reconnues comme telles. L'affaire est intéressante tant Warhol, dans sa manière de créer, était a priori éloigné du concept d'original. A la suite d'un article de Vanity Fair, les quotidiens anglais ont mis en avant la mésaventure du producteur Joe Simon. L'Autoportrait acheté pour 195 000 dollars il y a quelques années n'a pas été reconnu par le Comité d'authentification, qui n'aurait fourni aucune explication convaincante. Simon et d'autres collectionneurs lésés menacent d'engager des poursuites. Tous les Warhol proposés en deux jours à New York (16 chez Christie's, 30 chez Sotheby's !) sont-ils bien passés sous les fouches caudines du Comité ? On le suppose mais l'affaire risque de déprimer durablement le marché des sérigraphies. Les pièces incontestables, comme cet Oxydation Painting de 1978 (2,2 millions de dollars chez Sotheby's) devraient évidemment en bénéficier. L'affaire promet des rebonds.
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