Quand Breuning revisite les clichésA Grenoble et à Strasbourg, Olaf Breuning prend comme matériau de travail les images abondantes que produit notre quotidien.
| Under the bridge, 2003.
Installation au Musée d’Art
moderne et contemporain
de Strasbourg. Triple projection
vidéo synchronisée (Durée : 9’)
Murs polystyrène, mannequins,
accessoires. Photographie :
Mathieu Bertola. |
GRENOBLE-STRASBOURG. Breuning est un de ces jeunes artistes (à peine 33 ans) qui laissent perplexe. Réparties dans l’ensemble du Magasin, ses photographies, ses vidéos et ses installations semblent au premier abord constituer une illustration de plus de la société du spectacle et de ses codes. Reprenant en les assemblant quelques tics actuels - le vidéo-clip, la mode, la musique électronique et les ficelles du cinéma hollywoodien - ses fictions jouent sur l’air bien connu du déjà vu et du déjà là. C'est-à-dire, en vrac, des références à Michael Jackson et à E.T dans First - film-installation montré à la dernière foire de Bâle et qui annonce un moyen métrage en cours d’achèvement -, rock alternatif dans Ugly Yelp, une vidéo de 2000 qui ouvre l’exposition, ou Matthew Barney à travers plusieurs clins d’œil… Et pourtant comme Richard Prince, artiste «citationniste» par excellence, Breuning semble aller à rebours complet des clichés lénifiants qu’il utilise. Les trois extraits actuellement diffusés de son futur film : First et Ghost à Grenoble, Under the Bridge à Strasbourg, constituent les bases d’une fable dans laquelle le protagoniste est littéralement dévoré par les images qui l’entourent et n’arrive plus à discerner la fiction de la réalité.
| We only move wehen somenthing
changes ! ! ! , 2002, c-print contrecollé
sur aluminium, 122-155 cm
Courtoisie Galerie Air de Paris |
Le son aussi
Dans ses photographies grand format sont mises en scène de manière burlesque et tout à la fois séduisante quelques mythologies contemporaines : les rassemblements altermondialistes (l’image est titrée de manière évocatrice « We only move wehen somenthing changes ! ! ! »), le visuel publicitaire (dans Double, des joueurs de tennis prennent la pose au risque de voir leur visage métamorphosé en balle de tennis), l’artiste pop-star saisi devant un car de touristes et un château Disney-landisé (They Live !, autre image fixe, dans laquelle on retrouve une référence à Barney). Si Breuning interpelle, c’est qu’il ne refuse pas pour autant la féerie souvent débordante dans la culture de masse, il l’amplifie même (phénomène radicalisé dans ses deux installations sculpturales, Apes et Hello Darkness qui font appel à une bande-son remarquable qu’il a lui-même conçue, comme pour la plupart de ses œuvres). Si ce travail n’est pas explicitement critique il montre clairement les rouages du spectacle contemporain, pour mieux s’en distancer. Une démarche qui perturbe encore davantage dans Under the bridge, la pièce de Strasbourg, qui met en scène des sans-abri au moyen de sculptures et d’une triple projection vidéo. Ces laissés pour compte évoluent dans les rues de New York comme sur la scène d’une comédie musicale, chantant poing levé leur défaite et leur déchéance. Une œuvre-limite même si on ne ressent jamais chez Breuning le moindre cynisme à l’égard des sujets qu’il traite. Ce qui est plutôt une position de rupture radicale avec l’ambiance générale de la jeune création des deux dernières décennies.
| Frédéric Maufras 10.12.2003 |
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