Quand le Congo parlait belgeDe 1880 à 1960, la lointaine colonie africaine a été une importante source d'inspiration pour les artistes de la métropole.
Dans la décennie 1880, alors que les puissances européennes contrôlent fermement l'Afrique noire, le bassin du Congo entre dans l'orbite belge. Possession personnelle du roi Léopold II, il suscite des vocations chez les explorateurs et les ingénieurs en travaux publics mais aussi chez les artistes qui y voient un réservoir d'impressions et d'images. L'iconographie abondante de l'ouvrage mêle quelques photographies de sites - la salle des grandes cultures au Palais des Colonies en 1897 ou le pavillon du Congo à l'exposition internationale de Paris en 1937 - et des reproductions d'œuvres. On trouve là tant de styles différents qu'il est difficile de décliner un portrait-robot de l'artiste belge au Congo. Charles Callewaert, à l'aquarelle, ou Paul Briart, à l'encre, font les «traditionnels» croquis ethnographiques d'instruments de musique, de cases et de sièges. Certains ne font même pas le voyage et se bornent à codifier l'exotisme de loin. Cela donne, par exemple, cette longue broderie de soie d'Hélène De Rudder-du Ménil, où l'on voit que les mauvaises pratiques locales sont réformées grâce au colon. Et la Polygamie de céder la place à la Famille…
Un prix de Rome se penche sur l'Afrique
D'autres, cependant, embarquent pour les tropiques et en ramènent une moisson d'images. Il en va ainsi des statues grandiloquentes, «moulages de types indigènes», d'Arsène Matton en 1920 - voyez cette Belgique apportant le bien-être au Congo en cuivre doré. La puissance coloniale y apparaît en mère nourricière. Frans Hens produit des vues topographiques précises. Le Léopoldville qu'il peint en 1888, aujourd'hui Kinshasa, n'est qu'un assemblage de quelques huttes et hangars au bord du fleuve. Les aquarelles de Léon Dardenne et Louis Moreels, plus «impressionnistes», traitent aussi bien de la flore que des réunions villageoises. C'est l'époque de l'Art déco, lorsque les voyages sont devenus plus aisés, qui fournit la moisson la plus riche. La production, variée, juxtapose alors les affiches stylisées d'Henri Kerels pour la Loterie nationale, les panoramas de James Thiriar, les monuments en bronze d'Arthur Dupagne ou les huiles d'Auguste Mambour et de Fernand Allard L'Olivier. Qui n'est pas familier de l'aventure coloniale belge regrettera l'absence d'une chronologie, même sommaire, d'une carte géographique et d'un index. On pourra compléter ce voyage par la récente monographie sur Auguste Mambour. Le peintre de Liège, second prix de Rome en 1926, avait provoqué un mini-séisme dans le milieu académique. Il avait en effet décidé de se perfectionner non en Italie - «Le Quattrocento, je l'ai en cartes postales» disait-il - mais en Afrique pour «peindre dans une nature presque vierge encore».
| Pierre de Sélène 26.11.2003 |
|