Pour un Vélasquez de plus…Le gouvernement espagnol vient de débloquer un fonds spécial de 23 millions d’euros pour que le Prado puisse s’offrir le Barbier du pape.
| Diego Vélasquez, Le Barbier
du pape, vers 1650. |
MADRID. Le Prado possède quarante-sept des cent vingt tableaux indiscutablement attribués à Vélasquez, soit près de la moitié de son œuvre. Aucune institution ne peut lui être comparée. Pourquoi donc dépenser 23 millions pour un nouveau Vélasquez ? se sont demandé nombre d’observateurs lorsque l’acquisition du Barbier du pape a été annoncée. La voix la plus critique a été celle du quotidien conservateur ABC, qui estime qu’il s’agit d’une œuvre mineure et que l’argent aurait mieux fait d’être placé sur un exceptionnel Goya, apparu sur le marché au même moment. Les conservateurs du Prado rétorquent qu’un important Goya a été acquis en 2000, La Comtesse de Chinchón et que, par ailleurs, le fonds Vélasquez du musée est incomplet : le second voyage de l’artiste en Italie, en 1649-51 n’y est pas représenté. Le peintre, alors au somment de sa gloire, fait plus une tournée de «relations publiques» qu’un voyage d’étude. Il est notamment chargé d’acheter des antiquités pour la famille royale. Le Barbier du pape appartient à cette période comme cette œuvre majeure qui défraya la chronique lorsqu’elle fut acquise en 1970 par le Metropolitan Museum de New York auprès d’un collectionneur anglais : le Portrait de Juan de Pareja. Un troisième tableau réalisé durant ce voyage est mondialement célèbre. C’est le Portrait d’Innocent X, conservé à la galerie Doria-Pamphili de Rome, qui inspira Francis Bacon.
Demain, un bodegón ?
Mentionné pour la première fois par les spécialistes en 1909, le Barbier du pape a été vendu en 1939 chez Christie’s à la mort de son propriétaire, Sir Edmund Davis. Le Prado l’a acquis auprès de son possesseur actuel par l’intermédiaire du célèbre marchand Wildenstein. Curieursement, c’est seulement la seconde œuvre du peintre qui entre par achat dans les collections du musée. Le premier, le Portrait de Mère Jeronima de La Fuente, qui fut installé dans le musée dans les premières années du franquisme, en 1944, avait une provenance symbolique : le monastère Santa Isabel à Tolède. Toutes les autres œuvres ont fait l’objet de donations ou figuraient déjà dans les riches collections royales de Philippe IV. Le prix est-il disproportionné ? Pas nécessairement si on le compare aux 49 millions £ récemment déboursés par la famille Thomson pour le Massacre des Innocents de Rubens ou aux 25 millions $ de la Descente aux Limbes de Mantegna et si l’on tient compte de la rareté sur le marché de chefs-d’œuvre ou, tout simplement, d’œuvres authentiques des grands maîtres anciens. Le temps est loin – 1906 - où la National Gallery de Londres put s’offrir pour 45 000 £, grâce à l’Art Fund, la célébrissime Vénus au miroir . S’il veut véritablement couvrir tous les genres et toutes les époques de Vélasquez, le Prado doit relever un dernier défi de taille : trouver une nature morte, ou bodegón, des premières années sévillanes…
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