Les musées anglais malades de leur gratuitéLe principe de l'entrée libre, institué par le gouvernement il y a deux ans, met à mal les finances des grandes institutions.
| The National Portrait Gallery
© D.R. |
LONDRES. Le plus virulent est Neil Chalmers, le directeur du Natural History Museum. Le 21 novembre, il a été péremptoire : «si le gouvernement n'augmente pas sa contribution, je réinstaure le droit d'entrée», a-t-il dit en substance. Une menace prise au sérieux par le ministère de la Culture, qui reçoit de toutes parts des signaux d'alarme. La gratuité instaurée de façon systématique en décembre 2001 a eu un tel succès qu'elle a contribué à aggraver la situation financière de structures déjà fragiles. Un simple effet de ciseau suffit à l'expliquer : d'un côté des revenus écornés, de l'autre des dépenses de personnel qui augmentent par le fait d'une fréquentation qui «explose». Le gouvernement a bien prévu des compensations mais elles sont insuffisantes aux yeux des grands musées, qui veulent en renégocier le montant début 2004. Et la cerise sur le gâteau - la possibilité donnée aux musées qui appliquent la gratuité de récupérer la TVA sur leurs achats (ce qui représente 1 million £ par an pour la National Gallery et 300 000 £ pour la National Portrait Gallery) - n'a pas suffi à calmer l'ardeur revendicatrice des directeurs.
| La nouvelle "Great Court"
du British Museum
© British Museum |
Appel à donations
Peter Scott, le président du conseil d'administration de la National Gallery estime par exemple que les subventions versées au musée ont diminué en termes réels de 2,5 millions £ en huit ans. Selon ses déclarations, rapportées dans le Guardian, «ce que nous verse le gouvernement ne nous permet même pas de faire face à nos frais de fonctionnement : ouvrir les portes, allumer la lumière et surveiller les collections». Les billets pour les expositions temporaires sont donc très dispendieux (8 £, soit 12 euros, pour «Gothic» au Victoria & Albert Museum) et l'appel aux contributions volontaires se fait très pressant, sous forme de «troncs» pour les dons. La Tate Britain en a installé quatre, la National Portrait Gallery cinq et la Tate Britain neuf. Les difficultés budgétaires se traduisent parfois par des fermetures temporaires de salles, notamment au British Museum, même si la Tate affirme de son côté maintenir l'ouverture de toutes ses salles.
Moins d'achats
Les budgets d'acquisition sont également touchés. Le «groupe» Tate a dépensé 6,4 millions £ en 2000-2001 et 4,9 millions £ en 2001-2002. La manne que représente la Loterie nationale est complexe à mobiliser et ne peut pas subvenir à tous les besoins. L'actuelle croisade, très médiatisée, de la National Gallery pour conserver la Madone aux œillets de Raphaël sur le sol anglais suppose de rassembler quelque 35 millions £, ce que son concurrent, le Getty Museum de Malibu, peut faire sans difficulté. La National Gallery a reçu une aide de 11,5 millions £ de l'Heritage Lottery, ce qui a indisposé certains commentateurs comme James Hall dans le Times Literary Supplement du 21 novembre. Cela entraîne provoque un effet d'assèchement : ces fonds ne seront plus disponibles pour d'autres institutions. Alors que la nouvelle Saatchi Gallery annonce avoir accueilli plus de 300 000 visiteurs en six mois avec un billet d'entrée à 8,50 £, la question de la gratuité et de son financement dans les musées publics attend encore une solution satisfaisante.
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