L'art mural perd son sanctuaireAprès quinze ans d'activité, une institution originale, le Centre international d'art mural de Saint-Savin-sur-Gartempe, est démantelée.
| Chantier d'application, fresque à
la mairie de Saint-Savin © CIAM |
SAINT-SAVIN-SUR-GARTEMPE (Vienne). A l'heure où certains préparent des paquets-cadeaux, les employés du Centre international d'art mural (CIAM) se penchent sur un autre type de caisses : celles qui contiennent quatorze années de leur histoire. A quelques jours de leur licenciement, il leur faut faire disparaître le souvenir d'une initiative originale en termes de recherche et de décentralisation. Le bilan humain, selon le terme consacré, est lourd même si l'on se trouve ici dans un délicieux village de mille habitants plutôt que sur un site industriel du nord de la France. «La moyenne d'ancienneté était de onze ans», explique la directrice, Sylviane Van de Moortele. Installé dans une abbaye célèbre pour son cycle de fresques - on la surnomme la «Sixtine du Moyen Age» - le CIAM était devenu un lieu de référence pour tout ce qui touche à l'art mural. C'était à la fois un important centre de documentation et de colloques, un foyer d'ateliers pédagogiques, un organisateur de stages de longue durée pour les techniques de la fresque. «Le CIAM, qui était en relation avec une centaine d'institutions étrangères, possédait une documentation unique sur l'art mural à toutes les époques. Il faisait se croiser tous les publics : nous étions submergés de demandes d'architectes des bâtiments de France, d'étudiants de l'Institut national du patrimoine, de propriétaires, etc. Il a joué un rôle de service public pour un pan du patrimoine que l'administration n'a pas encore doté d'un service spécifique.»
| L'Arche de Noé dans la nef
© CIAM 1994 |
Le CIAM succombe à la régie directe
Association loi de 1901, le CIAM a été créé en 1989 sur l'initiative de l'Etat, du conseil régional de Poitou-Charentes, du conseil général de la Vienne, des communes de Saint-Savin et Saint-Germain. Mais son équilibre budgétaire a été bouleversé en 2001 lorsque la communauté de communes, en vertu de la loi Sapin, a pris en régie directe l'exploitation de la billetterie, de l'activité de visites et de la librairie de l'abbaye de Saint-Savin, qui représentaient plus de la moitié des recettes du CIAM. L'Etat n'ayant pas réussi dans son arbitrage en vue de créer une structure unique - un établissement public de coopération culturelle -, l'association en déficit a été placée en liquidation et son personnel licencié.
Peintures déposées : un patrimoine qui attendra
L'issue est d'autant plus amère que le CIAM s'était engagé dans deux projets significatifs. Le premier était un portail internet sur l'art mural, pour la formation à distance, auquel la Datar avait d'ores et déjà attribué une subvention de 40 000 euros. Le second, encore plus ambitieux, concernait les peintures murales déposées, c'est-à-dire retirées de leur support. Le CIAM aurait dû devenir le point de référence pour leur conservation en France. «C'est un patrimoine que l'on connaît très mal, ne serait-ce que dans son aspect quantitatif, et qui est souvent mal protégé, précise Sylviane Van de Moortele. Certains responsables minimisaient la quantité des peintures déposées, les limitant à une petite centaine. Après dépouillement de 15% des questionnaires envoyés aux conservateurs concernés, nous arrivons déjà au chiffre de 350 à 400 peintures murales déposées…» A l'heure où l'on s'apprête à proposer aux collectivités territoriales de gérer certains monuments historiques, une forme originale de décentralisation succombe.
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