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Expositions

Mérimée, saint patron du monument historique

La Conciergerie célèbre, avec les photographies et les relevés qu'il commanda, un pionnier de la protection du patrimoine.


Vieille maison, Orléans (Loiret),
relevé par Vaudoyer, 1845
PARIS. On se souvient de Mérimée pour Colomba et pour Carmen (même si le succès de la nouvelle doit surtout à l'adaptation de Bizet), un peu moins pour le scandale du Carrosse du Saint-Sacrement, au contenu très irrévérencieux envers la religion catholique. Mais une œuvre tout aussi durable, et nettement moins connue du grand public, concerne son action en faveur du patrimoine monumental de la France. En 1834, le jeune écrivain est nommé inspecteur général des monuments historiques, une fonction qu'il occupera quasiment jusqu'à sa mort. Il prend sa mission très au sérieux et parcourt toutes les provinces de France, répertoriant les sites les plus importants. Dès 1841, il publie une liste de quelque mille monuments nécessitant l'aide financière de l'Etat : c'est la première ébauche d'un inventaire des monuments historiques, dont le stock dépasse aujourd'hui 42 000 unités.


Abbaye de Montmajour,
Arles, photographie, vers 1860,
Collection Médiathèque de
l'architecture et du patrimoine
© Philippe Berthé / CMN, Paris.
Retirer le fumier des salles basses
L'exposition consacre ses cimaises aux photographies, dont Mérimée fut dès le début un ardent défenseur. Il fut le promoteur de la Mission héliographique, qui envoya en 1851 d'excellents praticiens comme Le Gray, Le Secq ou Baldus tirer le portrait des vieilles pierres de France. On voit ainsi, dans un accrochage qui accorde huit ou dix clichés à chaque région, le pont Valentré, l'Aiguille de Vienne, le Palais des Papes, les Jacobins de Toulouse dans les impeccables tirages à l'albumine… Une section est consacrée aux relevés d'architecture : s'y côtoient de délicats dessins aquarellés d'Alphonse Simil (le Nymphéas de Nîmes), des panoramas pleins de maîtrise technique de Viollet-le-Duc (la cité de Carcassonne) ou une transcription fort gauche, par Mérimée lui-même, d'une figure allégorique de la Musique (au Puy-en-Velay). Autant d'œuvres qui ont demandé des centaines d'heures de travail mais qu'il faudra admirer debout, en l'absence absolue de la moindre chaise, qui aurait aussi permis d'apprécier commodément l'enfilade des ogives. «Obtenir qu'elle retire le fumier des salles basses, dont les murs sont salpêtrés» : pour Mérimée, il n'était pas de basse besogne. Pour sauver l'abbaye de Montmajour, il n'hésitait pas à adresser ces recommandations à l'appariteur chargé de traiter avec la redoutable veuve Renard, occupante des lieux…


 Pierre de Sélène
22.12.2003