Le Rijksmuseum ferme pour un lustre

AMSTERDAM. Afin de faire patienter le public pendant ces cinq années de chantier, une exposition reprenant les chefs-d'œuvre du grand siècle hollandais, «The Masterpieces», est visible dans l'aile Philips - ainsi dénommée en l'honneur du principal sponsor, la Royal Philips Electronics. Les toiles des grands maîtres du XVIIe siècle, tels que Vermeer, Rembrandt, Frans Hals, Jan Steen, Willem Claesz Heda, peuvent y être admirées aux côtés de réalisations d'arts dits mineurs‚ telles que des pièces de mobilier attribuées à Jan van Mekeren, l'argenterie ouvragée de Vianen, ou encore l'armement d'apparat d'époque, aux crosses et aux fûts incrustés de nacre. Si jusqu'à présent d'un point de vue muséographique, le caractère hétérogène de la présentation était réservé à l'aménagement des collections de musées des arts décoratifs, il est aujourd'hui volontairement démontré qu'un musée d'envergure européenne privilégie le mixage entre les disciplines, dites «majeures» et «mineures». Pour exemple, il est loisible de découvrir une maquette d'un bateau de guerre longue de 5 mètres, vieille de 400 ans, aux côtés d'un canon de la même époque. Le visiteur se prend alors au jeu de la mise en contexte, une manière d'enseigner l'histoire selon une démarche pédagogique, mais non didactique.

Accrochage original
Par ailleurs, on notera également une volonté appuyée d'humaniser l'accrochage, ce qui a pour effet de contribuer à la désacralisation des œuvres. Placées intentionnellement légèrement plus bas que la hauteur des yeux, les toiles s'offrent à l'amplitude des regards, l'observation étant ainsi rendue plus confortable. Un bémol peut-être ? C'est selon le goût. En effet, les murs des salles de l'aile Philips sont quelque peu présents. La couleur de fond évoque l'imitation d'un tissu brocardé de velours : l'utilisation d'une peinture mate simule le velours, tandis qu'elle se fait plus scintillante pour le rendu soyeux de l'étoffe.

Sanraedam dans le velours
Les âmes sensibles aux ambiances calfeutrées seront stimulées. En revanche, les regards habitués à évoluer en milieu neutre (peinture de fond en aplat de couleur franche) ou clinique (murs blancs), accélèreront le pas de la visite. Ainsi, à juste titre, il n'est point de désagrément lorsque l'on pénètre dans une pièce où coexistent natures mortes et scènes de genre, mais il y a de quoi sursauter face au contraste offert avec les intérieurs austères d'église de Saenredam… Si certains ensembles sont moins convaincants que d'autres dans leur présentation, on en fera facilement abstraction devant les chefs-d'œuvre que sont les tableaux de Vermeer (La Laitière, Femme lisant une lettre), les portraits de Jan Steen ou de Frans Hals, la collection de faïences de Delft ou les salières en vermeil de Lutma.