Burri, regards sur une petite planèteCinquante ans de reportages de René Burri, marqués au sceau de l'humanisme, sont présentés à la Maison européenne de la photographie.
| © René Burri / Magnum Photos, Che
Guevara, Cuba, 1963 |
PARIS. C'était un vernissage des grands jours avec une foule compacte, dans laquelle on reconnaissait des collègues de Magnum, entourant la grande silhouette, désormais un peu voûtée de René Burri. Il fallait monter dans les étages supérieurs, où sont exposées les curieuses images prises par Irving Penn au Bénin en 1967, ou l'ancienne cave voûtée de pierre, dédiée à la vidéo chinoise contemporaine, pour retrouver un peu d'espace. Qu'il y ait eu du monde, cela n'a rien de choquant pour un homme qui a passé sa vie à photographier ses semblables. René Burri, qui ne recherche pas l'instant décisif comme Cartier-Bresson, mais qui est prêt à suivre une scène dans son évolution (on peut le voir dans ses images de Picasso par exemple), a traversé toute la planète sans rechercher coûte que coûte la prise de risque ou le scoop, mais pour voir l'homme, artiste célèbre ou balayeur anonyme, avec une curiosité toujours neuve. Dans cette façon de faire, on aimerait le rapprocher d'un autre grand bonhomme du reportage, Roger Pic.
| © René Burri / Magnum Photos,
Sao Paulo, Brésil, 1960 |
Des sourds-muets à Che Guevara
Une vitrine, qui semble copiée sur ce qui a été fait récemment pour les papiers de Picasso, résume les errances de René Burri (né en 1933 à Zurich) avec une pile de billets d'avion et toutes les cartes de presse ou les attestations qu'il a accumulés en un demi-siècle de carrière. Les reportages les plus connus sont accrochés, de celui qui le «lança» au milieu des années cinquante sur une école zurichoise de sourds-muets, jusqu'aux productions les plus récentes, avec les seuls clichés en couleurs (très saturées) de la rétrospective. On y voit évidemment son célèbre portrait de Che Guevara, au cigare triomphant (1963), qui s'est certainement révélé une abondante source de royalties. Une salle entière est consacrée à l'Allemagne - un «sujet qui m'a toujours préoccupé» selon les mots de Burri. Ses autres pays «favoris» sont plus rapidement esquissés : l'Italie avec un ouvrier des salines de Trapani portant, comme il y a mille ans, sa charge sur le dos, ou les pêcheurs de Favignana dans leur corps-à-corps avec les thons ; le Brésil avec une autre icône, ces businessmen de São Paulo arpentant la terrasse d'un gratte-ciel en contre-jour. On regrette bien sûr quelques manques - on aurait aimé revoir ses reportages sur la construction de Brasilia ou sur les usines Skoda - mais l'exposition est, dans l'ensemble, bien équilibrée entre clichés isolés et sujets qui bénéficient d'un développement en quelques images. Et tous les continents sont là, et la vie et la mort, et l'amour et la guerre…
| Pierre de Sélène 15.01.2004 |
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