Le Chiado construit sa collection

Quel est le rôle des acquisitions et des donations au sein de votre collection permanente?
Pedro Lapa. Les œuvres qui sont entrées dans nos collections durant ces deux dernières années, par voie de donation ou d’acquisition, participe à une politique d’ensemble visant à compléter notre présentation des artistes de la seconde moitié du 20e siècle. Parmi les donations, citons celle de Joaquim Rodrigo qui nous a laissé C-14 de 1955 et Lisboa-Oropeza de 1969, la donation Lourdo Castro, artiste du Nouveau Réalisme, avec 7 œuvres d’importance majeure entre peinture, assemblages et textiles. De la même manière, les acquisitions nous permettent d’enrichir notre fonds des deux œuvres de René Bertholo des années 60 dont Beau fixe, la première machine de l’artiste. Des travaux de José Escada, Jorge Vieira et Marcelo Vespeira, Miguel Palma, Ângela Ferreira, João Tabarra, João Onofre... ont rejoint nos collections. Les achats se font en général par l’intermédiaire des artistes et non des galeries, les prix sont ainsi plus abordables.

Ces achats correspondent-ils à des manques dans la collection permanente?
Pedro Lapa. Si le musée du Chiado est aujourd’hui le seul musée à appliquer une politique patrimoniale conséquente, cela n’a toujours été le cas. Dans les années 20, le directeur du musée, Columbano Bordalo Pinheiro, a enrichi la collection en achetant des œuvres à Paris. Alors que les impressionnistes pouvaient être acquis à des prix modiques, son choix s’est porté sur des œuvres « pompiers », plus en accord avec la peinture appréciée du moment. Dès lors, nous avions perdu toute chance de posséder un jour une collection internationale et moderne. Ce n’est que dans les années 50 que la modernité entre au musée. Les grands artistes comme Cardoso ne sont alors plus abordables. Notre politique actuelle perpétue l’importance des artistes nationaux tout en abordant, par le biais des expositions temporaires, la modernité et la contemporanéité internationales.

Comment qualifieriez-vous ce changement de politique durant les trois dernières années ?
Pedro Lapa. Après une période de fermeture de 15 ans, le musée du Chiado ré-inaugure sa collection en 1994. En 1999, il effectue une importante acquisition d’œuvres d’artistes nationaux comme Almada Negreiros, Vespeira et accueille la donation des photographies de Fernando Lemo. L’intérêt des musées et institutions portugaises pour l’art contemporain date de la fin des années 1990, alors que les goûts des collectionneurs changent et que la nouvelle génération d’artistes est plus facilement acceptée. Les fondations Serralves ou Gulbenkian, possédant des moyens financiers plus élevés que les nôtres, occupent le marché de l’art contemporain. Ces trois dernières années, le programme d’aide lancé par le ministère de la culture nous permis de faire des achats correspondant à nos volontés. Ainsi, les œuvres d’Helena Almeida associant montages de dessins et peintures ou encore les deux installations conceptuelles de Alberto Carneiro comblent peu à peu le parcours des années 60 à nos jours.