Ma famille sous l'impressionnismeLa fascinante saga de la famille Rouart, liée à Manet, Degas, Renoir est évoquée au Musée de la vie romantique.
| En 1920, réunion familiale au
Mesnil, avec les Valéry, chez
Julie et Ernest Rouart (détail)
© D.R. |
PARIS. C'est toujours un enchantement que de gravir le petit chemin dallé du Musée de la vie romantique tant les lieux, où vécut le peintre Ary Scheffer, sont évocateurs. Pour ne rien gâter, l'exposition temporaire, si elle est de dimension contenue, est fort intéressante. Un conseil liminaire cependant, pour en faciliter la compréhension : réviser son who's who de l'impressionnisme avant d'entrer… tant la dynastie fondée par Henri Rouart s'est inextricablement mêlée, par des liens familiaux, d'amitié ou d'étude, aux meilleurs artistes français de la fin du XIXe siècle. A défaut, on veillera à ne pas manquer l'arbre généalogique qui curieusement, n'est affiché que dans la troisième salle, derrière l'escalier en colimaçon. Qui était donc ce Henri Rouart (1833-1912), dont le descendant le plus connu, Jean-Marie, siège aujourd'hui à l'Académie française ? Un industriel brillant auquel on doit des brevets sur le moteur à quatre ans ou la transmission des dépêches par pneumatique ; un bon époux, père de six enfants ; un peintre de talent, fasciné par les paysages d'Ile-de-France ; enfin un collectionneur et mécène, parmi les tout premiers du pays.
| Berthe Morisot, Eugène Manet
et sa fille au jardin, (détail)
Collection particulière
© Fondation Pierre Gianadda,
Martigny. |
Du côté de Manet
Les premières salles lui sont consacrées. On y voit ses tableaux, des scènes champêtres de la propriété de campagne à La Queue-en-Brie ou une vue de son salon-atelier, dans le bel hôtel particulier de la rue de Lisbonne. Là ont défilé les plus fins pinceaux de l'époque, premier entre tous Edgar Degas, qui avait été son condisciple au lycée. Il faut traverser la cour et rejoindre le second atelier pour entrer dans le vif du sujet. Le témoin passe à Ernest Rouart, son fils. Il peint Julie Manet, ce qui est compréhensible puisqu'il s'agit de son épouse. Julie est elle-même fille de Berthe Morisot, nièce d'Edouard Manet et modèle de Renoir. C'est ainsi une sarabande infinie de noms, une guirlande de Julie où Henry Lerolle appelle Ernest Chausson et Debussy, ou Paul Valéry voisine avec Maurice Denis, où Mallarmé rejoint Jacques-Emile Blanche et Alfred Cortot. Tout ce monde se connaît, se fréquente, se peint. A cet égard, les portraits croisés d'Ernest Rouart et de Paul Valéry sont emblématiques.
1912, la dispersion
Signac a laissé le compte-rendu admiratif d'une visite chez Henri Rouart : «C'est affolant ; du haut en bas la maison est pleine de tableaux (…) C'est une profusion de merveilles : Corot, Delacroix, Millet, Jongkind, Courbet, Daumier, Degas (…) J'en ai tant vu que je sors ahuri» A la mort de son propriétaire, cet ensemble est dispersé : ce sont les célèbres ventes de 1912 à la galerie Manzi-Joyant, dont l'évocation clôt logiquement le parcours avec quelques œuvres de Delacroix, Cézanne ou Manet. Une femme espagnole de Goya est aujourd'hui en Irlande, le Renoir des deux petites pianistes à l'Orangerie, etc. Henri Rouart est fidèle en amitié même après la mort : dans ces enchères, c'est Degas qui bat le record pour un artiste vivant avec ses Deux danseuses à la barre, qui s'envolent pour 435 000 francs-or.
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