Les Lion se suivent mais ne se ressemblent pasAprès Dominique Lion l'an dernier, c'est Yves Lion qui reçoit le prix de l'Equerre d'argent 2003 pour l'ambassade de France à Beyrouth.
| Photo : Ateliers Lion architectes
urbanistes, Adria Gourla Sarda |
PARIS. C'est le clan de Casablanca… L'Equerre d'argent, distinction architecturale promue depuis 1983 par le groupe d'édition du Moniteur, a ses «chouchous». Parmi les doubles lauréats, outre Henri Gaudin (1986 et 1994, avec son fils) et Jean Nouvel (1987 et 1993), on trouve Christian de Portzamparc (1988 et 1995) et Yves Lion (en 1989 pour le Musée de la coopération franco-américaine de Blérancourt). Curieusement, ces deux derniers sont quasiment contemporains et tous deux nés à Casablanca (en 1944 et 1945). Là s'arrêtent les ressemblances. Yves Lion, qui signe l'ambassade à Beyrouth avec Claire Piguet, a eu un professeur d'exception : Georges-Henri Pingusson, dont la longue carrière a touché tous les types de bâtiments, du Golf Club de Chiberta au monument aux martyrs de la libération, en passant par l'hôtel Latitude 43 à Saint-Tropez ou les églises mosellanes de l'après-guerre. Lion partage cette particularité avec un autre lauréat de l'Equerre, Patrick Devillers, récompensé en 1984, pour le parking des Chaumettes à Saint-Denis.
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Ouvert et fermé à la fois
Cette formation auprès de Pingusson, qui fut architecte en chef de la reconstruction, explique en partie l'intérêt d'Yves Lion pour les questions d'urbanisme. Outre ses réalisations connues (opéra de Nantes, palais de justice de Draguignan et Lyon, Femis), il est intervenu dans les études d'aménagement de Nice, Vitry ou Boulogne-Billancourt et a étudié la formation historique du centre de Reims. ll fait aussi partie, avec des collègues comme Philippe Robert, du groupe Hippodamos 93 qui s'est attaqué à la tâche ardue de la requalification de La Plaine Saint Denis. Cette sensibilité était bienvenue dans un environnement comme Beyrouth, où le climat et le tempérament de la population exigent une ouverture sur l'extérieur mais où les cicatrices de la guerre et la nécessaire protection d'un édifice particulier comme une ambassade imposent des protections particulières. La qualité de l'architecture de l'entre-deux-guerre, même si elle a en partie disparu, posait par ailleurs un standard de qualité avec lequel se mesurer.
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Palmiers sous verre
Cette dichotomie se retrouve dans le bâtiment, qui présente, d'un côté, une façade aussi solide qu'une forteresse des Croisés, de l'autre un peau de verre sur la douce déclivité du jardin. A l'intérieur, les palmiers, à l'instar du cèdre de Chateaubriand à la fondation Cartier, sont mis en valeur comme dans un aquarium. L'Equerre d'argent a-t-elle rempli sa mission, qui est de distinguer un édifice «pour la qualité de sa conception et de sa réalisation» ? Sans doute car il s'agit là d'un bâtiment esthétiquement et symboliquement réussi. L'usage seul dira s'il est adapté à sa fonction. On aurait certes eu plaisir à voir d'autres noms s'imposer, une nouvelle génération à l'image de Philippe Gazeau, lauréat en 2000 (pour l'extension du gymnase Biancotto à Paris) après avoir remporté le prix de la première œuvre en 1985. Mais il en va comme pour les chefs d'orchestre, qui se bonifient avec le temps : il n'y a pas de date limite au bel âge de l'architecte.
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