MoMA : «Ich bin ein Berliner»

BERLIN. Organiser l’exposition dans la ville où John Fitzgerald Kennedy prononca sa célèbre phrase le 26 juin 1963 est hautement symbolique : cela permet de souligner le rapport étroit que le musée new-yorkais entretient depuis sa fondation, en 1929, avec l’Europe et avec l’Allemagne en particulier. Quelques mois avant l’ouverture du MoMA, son directeur, Alfred Barr était venu visiter le Bauhaus à Dessau et la collection d’art contemporain au Palais du Kronprinz, à Berlin, à l’emplacement même où s’élève l’actuelle Nationalgalerie qui accueille la rétrospective. Quelques années plus tard, en 1932, il fut un précurseur dans l’achat de tableaux d’Otto Dix.

Des Demoiselles peu voyageuses
On voit en réalité assez peu d'artistes allemands dans les deux cents tableaux exposés, à l'exception du trio Beckmann-Dix-Grosz. C'est que la collection du MoMA, considérée comme la plus importante au monde en art moderne, inclut bien d’autres trésors, à commencer par l’une des icônes du XXe siècle, les Demoiselles d’Avignon de Picasso, qui n'a pas fait le déplacement. En revanche, on a le plaisir de revoir la glaciale Maison près du chemin de fer, qui inspira Hitchcock pour son film Psychose. Cette peinture de Edward Hopper fut la toute première acquisition du MoMA. Sont également présents le Grand Baigneur de Cézanne, tout comme la Nuit étoilée de Van Gogh, le Rêve du Douanier Rousseau ou la Danse de Matisse. Malgré son nom, le MoMA ne s’est jamais limité à ce que nous appelons aujourd’hui «art moderne» (dont on fixe généralement la limite aux années 1950) : il a suivi les avant-garde, de la célèbre roue de bicyclette de Duchamp jusqu’à Barnett Newman et Rothko, le Pop Art ou, aujourd’hui, Gerhard Richter.

Retour à New York pour le 75e anniversaire
En inaugurant cette longue exposition (sept mois), le directeur du MoMA, Glen Lowry, a annoncé que le MoMA prendrait possession de son nouveau bâtiment de verre et de granite, dessiné par l'architecte japonais Taniguchi, entre novembre 2004 et mars 2005. Il a cependant ajouté que la date la plus proche était la plus probable. Ce qui permettrait de fêter de la meilleure manière le 75e anniversaire de l'institution et d'honorer le visionnaire Alfred Barr Jr. Lorsque trois grandes dames du monde des affaires : Abby Rockefeller, Lillie P. Bliss, Mary Quinn, décidèrent de fonder une nouvel espace d'art contemporain, elles eurent un coup de génie en s’associant les services de ce jeune historien d’art. De la première exposition, quelques jours après le krach boursier d'octobre 1929, dans six pièces d'un immeuble de la Cinquième Avenue (elle comprenait néanmoins Van Gogh, Cézanne et Gauguin et attira 47 000 visiteurs en un mois !), jusqu'à sa retraite en 1967, c'est lui qui a véritablement imprimé sa physionomie au musée new-yorkais.