Sous Pérugin pointe RaphaëlPérouse et l'Ombrie consacrent une formidable rétrospective au maître de Raphaël : 400 œuvres présentées en une dizaine de lieux différents.
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PÉROUSE. L'Ombrie, le cœur vert de l'Italie, comme disent les guides touristiques, s'apprête à vivre une grande saison culturelle. A partir du 28 février, elle fête l'un de ses fils les plus célèbres, Pietro Vannucci, mieux connu sous le nom de Pérugin (1450-1523). Ses impeccables madones, ses paysages délicats, un peu vaporeux, ses architectures idéales et symétriques ont eu une forte influence sur son élève Raphaël. Elles ont plus tard symbolisé un âge d'or d'harmonie et de beauté, que les mouvements préraphaélite en Grande-Bretagne et nazaréen en Allemagne ont exalté au XIXe siècle. Le cœur de la manifestation est l'exposition à la Galleria Nazionale, à Pérouse. «Nous présentons cent soixante œuvres, explique Vittoria Garibalidi, la surintendante aux beaux-arts de la région et directrice du musée. Il y a bien sûr des tableaux d'autres peintres comme Verrocchio ou Caporali, pour effectuer des confrontations, mais la plupart sont du Pérugin, ce qui montre l'étendue de sa production.»
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Le jeu des puzzles
La reconstitution de retables dont les composants sont disséminés dans le monde est un motif de fierté pour les organisateurs, tant les musées sont aujourd'hui réticents à prêter leurs œuvres. Très souvent (on l'a récemment vérifié pour les primitifs français au Louvre), les grandes institutions ne s'engagent à prêter un fragment que si les collègues font de même. Il faut donc enclencher une spirale virtueuse des prêts, ce qui représente un fin travail de négociation. A Pérouse, sont ainsi remembrés la prédelle du retable Chigi, avec les morceaux du Metropolitan Museum de New York et du Musée des beaux-arts de Chicago, ou le retable Tezi avec un élement aujourd'hui à Berlin. Encore plus complexe a été le puzzle du retable de l'église Sant'Agostino puisqu'il a fallu envoyer des demandes aux musées de Birmingham (aux Etats-Unis), de Grenoble, Lyon et Toulouse. Ce retable colossal, d'une hauteur de 10 mètres, composé d'une trentaine d'éléments différents, est reconstitué pour la première fois depuis son éclatement en 1654.
Voleurs de Français…
L'importance des musées français dans les prêts est évidemment due aux razzias napoléoniennes. «Il reste environ une trentaine de tableaux du Pérugin en France, précise Vittoria Garibaldi. Le plus connu est probablement le Mariage de la Vierge, au Musée des beaux-arts de Caen. C'est une œuvre intransportable et nous n'avons même pas demandé son prêt !» Certains tableaux du Pérugin ont bien été rendus à l'Italie - «Raphaël et Pérugin confondus, ils sont au nombre de 41» selon la surintendante mais ils sont depuis près de deux siècle bloqués… au Vatican, où l'on est grand amateur du Pérugin, qui a signé un important cycle de fresques dans la chapelle Sixtine. Un itinéraire idéal sur les traces du peintre incluera donc la Cité éternelle. Mais il y aura beaucoup à faire, avant cela, en Ombrie même. Un autre événement important se tient à Pérouse : une exposition à la Rocca Paolina sur la fortune de Pérugin chez les nazaréens ou les artistes français du XIXe siècle comme Chassériau, Moreau ou Delaroche. Il faudra ensuite prendre la route pour visiter tous les petits paesi, qui conservent des cycles du peintre : Marsciano, Corciano, Panicale, Assise, Bettona, Trevi ou Foligno et, bien sûr, Città della Pieve, sa ville natale. Un voyage à agrémenter - loi Evin permettant - de haltes dans de délicieuses osterie pour un verre de vinsanto liquoreux et une poignée de cantuccini croquants aux amandes…
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