Beaton générationTout le monde semble être passé devant l'objectif de Cecil Beaton : de Nancy Cunard à Mick Jagger, chronique mondaine du siècle passé.
| Twiggy at 8, Pelham Place, 1967
Cecil Beaton/Vogue © The Condé
Nast Publications Ltd, Courtesy
Sotheby's |
LONDRES. Enlevez-lui la figure humaine et vous le rendez aussi malheureux qu'un peintre de la Renaissance privé de modèle. Toute sa vie, Cecil Beaton (1904-1980) a nourri son art de ses contemporains. La vue d'ensemble de l'exposition de la National Portrait Gallery est éloquente : des visages, que des visages, qui deviennent d'autant plus envahissants qu'ils bénéficient d'un accrochage serré. A mi-parcours, quelques vitrines présentant des albums ouverts ou des couvertures de magazines comme Life introduisent une diversion. Puis l'on replonge dans la comédie humaine. La rétrospective est déconseillée aux misanthropes… La technique de Beaton est nette, très propre. Pas de flou artistique mais une lumière savamment dosée, avec de forts contrastes : de beaux blancs, de beaux noirs. Beaton ne recherche pas tant à cueillir une expression (encore que Camus fasse exception avec son sourire un peu bellâtre) qu'à figer une physionomie, à bien découper un nez, des lèvres, un regard.
| Audrey Hepburn, 1954
Cecil Beaton/Vogue
© The Condé Nast Publications
Ltd, Courtesy Sotheby's |
Après lui, Madonna
On peut se lasser de ces clichés si propres. Mais on ne peut manquer d'être fasciné par cette chronique mondaine du XXe siècle, qui est sans équivalent. Des années 1920 (il connaît très vite le succès, comme Avedon deux décennies plus tard) jusqu'à sa mort, il photographie tous ceux qui font la une. Après sa sœur Baba et ses collègues de Cambridge, souvent costumés, viennent Greta Garbo, avec laquelle il entretient une liaison, et les divas de Hollywood, Johnny Weissmuller, Gary Cooper, Marlon Brando. Mais aussi l'aristocratie et le monde diplomatique le plus huppé, des maharajahs indiens à Lady Cooper (épouse de Duff Cooper, ambassadeur britannique à Paris), de Carlos de Beistegui à Churchill et à la reine-mère. Et encore le monde de l'art - défilent Christian Bérard, Francis Bacon, Lucian Freud puis John Pope-Hennessy et Roy Strong, célèbres conservateurs de musées - et les milieux de la mode et de la musique : Chanel, Dior jusqu'aux Rolling Stones en couleurs. Toute énumération est par nature fastidieuse et celle-ci pourrait être longue. On conseillera aux anglophones de ne pas s'exonérer de la lecture des cartels. Ils reprennent souvent des descriptions de Beaton lui-même, savoureuses et cruelles. Camus et sa coiffure en brosse de «petit clerc de banque», Malraux avec ses poches «couleur champignon» sous les yeux… Une façon de rappeler que le grand Cecil possédait un talent multiforme : créateur de costumes pour le cinéma, dessinateur et peintre, mémorialiste non négligeable. On pourra compléter le voyage en consultant à l'entrée ses Unexpurgated Diaries ou sa chronique de quinze années dorées au manoir d'Ashcombe devenu récemment propriété de… Madonna. La jet set colle décidément à Beaton.
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