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Expositions

Une Renaissance sur l'Adriatique

Les Della Rovere sont l'exemple parfait d'une dynastie éclairée d'Italie centrale. Leur mécénat est évoqué, de Pesaro à Urbino, sur les lieux qu'ils ont habités au XVIe siècle.


Raphaël, Portrait de jeune homme
à la pomme (Francesco Maria
Della Rovere ?)
, huile sur toile,
vers 1504, Musée des Offices.
Exposé à Senigallia.
PESARO (Italie). Ils n'ont pas l'honneur d'être aussi connus que les Médicis, les Este ou les Farnèse. Mais les Della Rovere font partie de ces familles qui ont laissé leur nom à de florissantes principautés de la Renaissance italienne, où l'art et la politique étaient indissolublement liés. Les manifestations qui célèbrent cette dynastie originaire de la Riviera - de Savone, non loin de Vintimille et de Nice - vont obliger les touristes à de sévères révisions géographiques. En effet, le territoire des Della Rovere à leur apogée, ce sont les Marches, une région sur le littoral adriatique, à peu près inconnue des visiteurs français, à l'exception d'Urbino et de Pesaro, où se rendent en pèlerinage les fanatiques de Rossini, qui y est né un 29 février (1792). L'exposition a intelligemment fait le choix de la décentralisation. Plutôt que de réunir dans un grand musée des centaines de pièces, il faut ici partir de la mer, traverser les collines par des routes en lacets pour se rendre successivement à Senigallia, Urbino, Urbania et Pesaro.


Plat de l'atelier de Ludovico et
Angelo Picchi, Casteldurante,
vers 1550, Museo Statale, Arezzo.
Exposé à Pesaro.
Prévoir un arbre généalogique
Après avoir compté deux papes, Sixte IV, qui a donné son nom à la Chapelle Sixtine, et le terrible Jules II (1508-1513), la famille Della Rovere obtient également un territoire temporel : elle recueille par alliance les possessions des Montefeltre. En 1631, la dynastie Della Rovere disparaît, faute d'héritier mâle, et ses terres tombent dans l'escarcelle de l'Eglise (les biens meubles prenant la direction de Florence où se marie la nièce du dernier souverain local). Un petit duché d'Italie centrale peut-il, en un siècle, laisser une trace significative de son passage ? A l'issue du marathon reliant les quatre sièges de l'exposition - on conseille de ne pas l'effectuer en une seule journée - personne n'en doutera. On évitera cependant de suivre de trop près le découpage choisi par les commissaires. Ses seize sections, aux intitulés parfois complexes - «l'ascension de Francesco Maria Ier», «les rapports de Guidubaldo II avec Pesaro» - ont vite fait de donner le tournis si l'on n'a pas pris la précaution de se munir d'un arbre généalogique.


Piero della Francesca, Madone
de Senigallia
, peinture sur
panneau de bois, vers 1455-1470,
Galleria Nazionale delle Marche.
Exposé à Senigallia.
Raphaël, Titien, Bronzino…
La simple accumulation d'œuvres commandées par la famille suffirait à le prouver. Le père de Raphaël, Giovanni Santi, s'était déjà mis à son service avant sa montée au pouvoir et Piero della Francesca avait produit la célébrissime Madone de Senigallia à l'occasion d'un mariage. Puis voici Pérugin peignant une Vierge pour un couvent de Senigallia. Et le catalan Berruguete, avec son pinceau aussi acéré qu'une pointe de graveur, encadrant Sixte IV avec une bague à chaque doigt. Raphaël met une pomme dans la main du délicat Francesco Maria Ier, Titien et Bronzino le rendent farouche et le recouvrent d'une armure scintillante tandis que Federico Barocci produit ses vaporeuses Annonciation et Déposition. Sans compter tous les maîtres dits mineurs que l'on admire à la chaîne, les ciboires, les dessins de Zuccari, les canons en bronze de trois tonnes, les arquebuses en ivoire, les bas-reliefs en terre cuite, les marqueteries… jusqu'à la centaine de céramiques réunies à Pesaro, dans l'immense salle du Palazzo Ducale. Il faut bien évidemment lever les yeux car tous ces trésors sont présentés dans des palais qui ont été eux-mêmes commandés par les della Rovere. A Senigallia et à Pesaro, les éblouissants plafonds à caissons répètent l'image du chêne (en italien, rovere) - l'emblème héraldique de la famille. Et il est enfin possible de visiter la célèbre Villa Imperiale de Pesaro, exceptionnellemnt ouverte au public.


 Rafael Pic
06.04.2004