© Estate of Roy Lichtenstein
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| | Lichtenstein, le pop sauce MickeyRoy Lichtenstein se coule dans le béton de la Hayward Gallery, pour sa première grande exposition en Angleterre depuis trente-cinq ans.
LONDRES. En 1961, le magazine Life lui consacra sa une, titrant «S’agit-il du pire artiste des Etats-Unis ?» Beaucoup de bruit pour rien… Lichtenstein s’est effectivement inspiré de symboles de la culture populaire, notamment des «comic strips», les bandes dessinées bon marché lues par le plus grand nombre : personnages de Walt Disney ou super héros, tous sont détournés et propulsés au rang d’œuvre d’art, comme Warhol le fit à peu près en même temps avec les bouteilles de Coca-Cola ou Jim Dine avec le drapeau étoilé en 1958… Mais l’œuvre de Lichtenstein ne provoque plus de remous aujourd’hui (l’artiste n'avait-il prédit que trente ans plus tard son travail paraîtrait «très démodé, presque médiéval» ?) Quant à la Hayward Gallery, qui fit tout autant scandale à son ouverture, en 1968, avec ses allures de bunker, elle se révèle parfaitement adaptée à cette exposition par la dimension de ses salles et par leur modularité. Aucun visiteur ne s’étonne devant les toiles exposées, tant les images font partie de notre quotidien, dupliquées par millions… Qui n’a jamais vu Look Mickey (1961) ou un exemplaire de la très glamour série des Kiss. Créée au cours des années 60, elle met invariablement en scène un homme brun aux traits lisses, digne de Clark Kent ou de Mandrake, en compagnie d’un ersatz pixellisé de blonde héroïne hitchcockienne, aux lèvres rouges parfaitement dessinées. Ironie du sort, l’artiste qui puisa, par défi, dans un fonds d’images populaires inoffensives, est vite devenu lui-même partie de cet imagier sans surprise et rassurant.
Miroir, mon beau miroir…
Seul véritable «plus» de cette agréable exposition : une présentation d’œuvres plus récentes de l’artiste, décédé en 1999 à l’âge de 74 ans. Celles-ci sont beaucoup moins connues du grand public. Lichtenstein travaille les nus, les scènes d’intérieur, en tâtant du cubisme, en empruntant parfois à Matisse et à d’autres, tâtonnant et expérimentant, bien souvent autour de son medium et objet fétiche, le miroir. En effet, il le dessine et l’utilise au quotidien dans son atelier, «pour vérifier que ses compositions sont aussi bonnes à l’endroit qu’à l’envers». Il y a là une logique directe pour un homme dont l’art a trouvé son expression dans le cubisme avant de se tourner vers l’univers de la bande dessiné. Il expliqua un jour sa fascination en argumentant qu’il «n’y a pas de façon simple de dessiner un miroir. Donc, les dessinateurs de bandes dessinées ont inventé les stries ou les lignes diagonales qui signifient «miroir». Désormais, vous voyez ces lignes et vous savez d’emblée qu’elles signifient «miroir». C’est une convention que nous acceptons inconsciemment.» Le miroir est une infernale machine qu’il met en scène (ou plutôt en bulle, car l’objet de sa fascination n’est qu’évoqué dans le dessin) dans What do you know about my image duplicator ? en 1963. Cette œuvre a inspiré une excellente initiative au commissaire de l’exposition, Martin Caiger-Smith. Un petit atelier à l’usage des enfants a été installé dans les étages ; on y propose de s’inspirer de la technique du maître en réalisant un dessin qui sera ensuite placé dans un rétroprojecteur. Puis, comme Lichtenstein lui-même le faisait, l’image est projetée sur une feuille punaisée au mur. Un peu floue et décomposée… Il s’agit alors d'ene redessiner chaque contour, chaque point, avant de les remplir de couleurs vives.
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