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Expositions

Hopper, un Américain à Paris

Le Musée de Giverny fait revivre les années parisiennes du maître de l'American way of life.


Le Pont des Arts, 1907. New York,
Whitney Museum of American Art,
legs Josephine N. Hopper 70.1181
GIVERNY. Entre 1906 et 1910 Edward Hopper effectue plusieurs séjours à Paris. Pour se promener mais aussi, évidemment, pour peindre : Pont et quai, Marches à Paris sont quelques-unes des quarante œuvres en provenance du Whitney Museum de New York, pour la plupart peu connues, qui sont accrochées à Giverny. Un choix original, qui permet de rafraîchir l'image d'un illustrateur que l'on résume trop souvent à l'American way of life et à son cortège de snack-bars, de pompes à essence et de fermes du Middle West. L'exposition, la première en France depuis celle du Musée Cantini à Marseille, en 1989, débute par une frise chronologique, qui rappelle quelques évènements marquants de la vie du peintre né et mort à New York (1882-1967), notamment la rencontre en 1923 de sa femme, Josephine Nivison, qui lèguera au musée toutes les œuvres que l'on voit. Celles-ci, toiles, dessins et aquarelles, traitent de Paris et des abords de la Seine : le Pavillon de Flore, le pont du Carrousel, les quais.

Un peintre peu influencé par ses contemporains
A son arrivée à Paris, Hopper prend pension à la mission de l'église américaine, au 48 rue de Lille. «Il suffisait de faire quelques pas et je voyais le Louvre de l'autre côté du fleuve. Du coin entre la rue du Bac et la rue de Lille on pouvait voir le Sacré-Cœur. Il flottait dans l'espace comme une vision immense au dessus de la ville» écrit-il. De nature timide et solitaire, il n'aborde pas les gens dans la rue et préfère faire halte dans les cafés pour observer les passants. Il marche beaucoup et passe le reste de son temps dans les musées. Contrairement à bon nombre de ses compatriotes expatriés, il ne s'intéresse guère à l'avant-garde parisienne. Son ami peintre Patrick Henri Bruce l'introduit cependant dans le cénacle de Gertrude Stein, d'où il a pu avoir un panorama global du milieu artistique parisien.


Steps in Paris (Marches à Paris),
1906. New York, Whitney Museum
of American Art, legs Josephine
N. Hopper 70.1297
A la Marquet
Les éléments constitutifs du futur style de Hopper sont présents avec cette atmosphère mystérieuse (que font ces étranges peupliers, à la silhouette de cyprès toscans, devant un Pont Neuf assommé par un soleil aoûtien ?), ce temps qui semble suspendu, ces ombres pesantes, ces personnages réduits à la fonction de marqueurs de perspective. Mais la touche n'a pas encore la précision chirurgicale qu'elle aura plus tard. Les aplats sont bien plus gras, généreux, un peu à la manière de Marquet, dont Hopper a pu voir des tableaux dès 1906-1907. Hopper ne reviendra plus à Paris (il préfèrera le Mexique). Mais en trois séjours, entre 1906 et 1910, il y aura passé près d'une année entière et ces souvenirs continueront à l'habiter. Longtemps après son retour aux Etats-Unis, il réalisera des toiles et des gravures «parisiennes», notamment des croquis enlevées de cette population qu'il avait fréquentée avant la Grande Guerre : flâneurs des quais, élégantes pressées ou garçons de café…


 Nicolas Bodereau
10.04.2004