Zandomeneghi, l'impressionnisme à la vénitienneLa Fondation Mazzotta rend hommage à un Italien de Paris, peintre amoureux de la femme.
| Federico Zandomeneghi, Le Moulin
de la Galette, 1876, coll. part. |
MILAN. Né à Venise en 1841, Federico Zandomeneghi, petit-fils d’un sculpteur académique connu, voit ses dispositions artistiques favorisées. Il fréquente entre 1857 et 1860 l’Académie des beaux-arts de sa ville natale, qu’il ressent bientôt comme une prison. Et il n’est pas plus heureux à l’Académie de Brera à Milan entre 1860 et 1861. Ses études terminées, il se rend à Florence en 1866 où il découvre le cercle des macchiaioli et se lie avec Signorini et Cabiana. Cette même année, il expose un tableau pour la première fois. Bientôt, sous l’influence de cette école de la vérité et de la simplicité et du rapport intime et direct avec la nature, puis en découvrant la peinture naturaliste, son style évolue rapidement. En 1872, il présente les Pauvres sur les marches du couvent dell’Aracoeli à Rome, qui lui vaut une appréciation flatteuse de Camillo Boito, l’auteur de Senso : il «possède la qualité rare de combattre corps à corps avec la nature». Etant donné le climat artistique de l’Italie d’alors, il aurait pu faire une carrière honnête dans la veine naturaliste qui lui réussit. Mais il a d’autres expectatives et part pour Paris le 2 juin 1874. Une fois dans la capitale des arts, il ne s’intéresse pas tout de suite aux mode d’expression les plus novateurs. Il admire Delacroix, Corot, Jules Breton et les paysagistes de Barbizon. Il ignore les Indépendants jusqu’en 1878. Cette année là, il s’est installé à Montmartre et a fait la connaissance de Diego Martelli, un Toscan, et c’est sans doute grâce à lui qu’il entre en contact avec le groupe impressionniste. Un an plus tard, il expose avec les artistes indépendants en présentant le portrait de Martelli. C’est Degas qui impose sa présence. A cette époque, Degas a créé son propre cercle au Café du Rat Mort, concurrent de celui de Manet qui se réunit à deux pas au Café de la Nouvelle Athènes avec Jean-Louis Forain, Suzanne Valoton, Rafaëlli, Mary Cassatt et des artistes italiens, De Nettis, Martelli et bien sûr Zandomeneghi.
| Federico Zandomeneghi |
Accessoires féminins
Il subit l’influence de Degas et va même lui emprunter certains sujets, comme les danseuses, les femmes en train de se laver. Assez curieusement, il éprouve une attirance pour Renoir, dont il reprend le traitement velouté de la matière et une certaine complaisance pour la joliesse. Après ses paysages et scènes de rue, où il s’est éloigné très rapidement de ses premiers engagements esthétiques, il choisit la femme comme sujet presque exclusif de son art. Commence alors pour lui une représentation de la féminité à travers un jeu d’accessoires : le miroir, l’éventail, le corset, le chapeau, la tasse de thé, le gant. Chacun de ces objet détermine une attitude particulière car, comme Degas, il veut fixer sur la toile un mouvement saisi au vol. Il doit donner l’illusion que le modèle a été surpris dans ses occupations quotidiennes.
Peu soucieux d’exposer au Salon (il n’y participe qu’en 1877), il cherche en vain une galerie. Il lui faut attendre 1893 pour que Durand-Ruel accepte finalement de le présenter. Peintre, il fait preuve de timidité tout en démontrant une relative audace dans la mise en scène de ses figures décrites dans des positions singulières. Dessinateur, il se révèle complètement différent : son coup de crayon est dur, franc, incisif et les nus qu’il couche sur le papier exprime un érotisme sans détours.
La belle rétrospective qu’abrite la fondation Mazzotta à Milan permet de se faire une idée précise de son aventure parisienne. L’essentiel de ses œuvres exalte la femme moderne, la sublimant sans jamais l’idéaliser, dans l’espace confiné de sa chambre ou de son salon. Sinon, il dépeint des terrasses de cafés de Montmartre. Sans être un des maîtres majeurs de l’impressionnisme, Zandomeneghi n’est pas non plus un modeste suiveur. Il poursuit un rêve pictural qui répond avec passion à l’idéal de la modernité que Baudelaire a insufflé aux artistes de temps.
| Gérard-Georges Lemaire 06.05.2004 |
|