Silence sur Cosquer

MARSEILLE, 13 oct (AFP) - Dix ans après avoir été tapageusement révélée au public, la grotte Cosquer, unique grotte sous-marine ornée de peintures préhistoriques au monde, est au bord des oubliettes, faute d'un programme d'ampleur pour valoriser ce patrimoine. Située au cap Morgiou, près de Marseille, cette grotte, qui compte plus de 200 peintures et gravures paléolithiques, très fragile et accessible par un boyau situé par 37 mètres de fond, restera à jamais fermée au public, selon les scientifiques. "Une grande reconstitution" pourrait voir le jour dans la Cité de la Méditerranée, qui doit naître sur le littoral marseillais au sein du programme Euroméditerranée, indique-t-on dans l'entourage du maire de Marseille Jean-Claude Gaudin (DL). "Il existe aujourd'hui un fort engouement pour valoriser Cosquer", selon cette source. Mais l'heure est encore aux propositions et rien ne pourrait sortir de terre avant 2006. Inventeur de la grotte, qui porte son nom, Henri Cosquer reste incrédule quant aux efforts pour la mettre en valeur : "j'ai vécu une belle histoire avec mes amis" suivie d'une "mauvaise histoire" lorsque les autorités se sont emparées de l'affaire, dit-il. "Je ne veux même plus en parler". "C'est un patrimoine qui dort", regrette Jean Clottes, préhistorien de renom qui a conduit les recherches sur la grotte. Des mesures au laser, nécessaires à la réalisation d'images de synthèse en 3D, ont été réalisées en 1994. "80% de la grotte émergée a été mesurée. Elle est donc tout à fait reconstituable. C'est une question d'argent", dit-il.

Préhistorien et premier scientifique à avoir plongé dans la grotte, Jean Courtin "déplore fortement que rien n'ait été fait pour montrer Cosquer". "A Marseille, parmi les décideurs, personne n'a jamais vraiment soutenu le projet. C'est pourtant aussi important que l'OM. C'est un patrimoine formidable". "Créer un fac-similé. Pourquoi pas! L'expérience de Lascaux est plutôt une réussite. Mais cela suppose un lieu et un programme scientifique arrêtés", prévient Xavier Delestre, conservateur régional de l'archéologie en Provence-Alpes-Côte d'Azur. Jusqu'à présent, pour satisfaire sa curiosité, le public a dû se contenter de deux expositions locales, dont une assortie d'un film avec quelques minutes en 3D, d'un site internet (http://www.culture.gouv.fr/culture/archeosm) et d'un ouvrage publié par Jean Clottes et Jean Courtin. Les scientifiques sont eux aussi restés sur leur faim, depuis que la découverte, le 18 décembre 1994, des peintures de la grotte Chauvet, plus anciennes (33.000 ans), a volé la vedette à la grotte Cosquer (19.000 et 27.000 ans). "On ne connait pas tout de cette grotte", dit Jean Courtin, directeur de recherches au CNRS. "Lors de la dernière campagne de plongée en 1994, on a découvert des oeuvres presque tous les jours, dont des gravures au plafond. Il y en a d'autres", dit-il. Pour Xavier Delestre, des travaux sont encore nécessaires pour préciser la topographie de la grotte, faire un recensement exhaustif des peintures, analyser les traces de mouchage de torches et les morceaux de charbon de bois tombés au sol. Des analyses doivent également évaluer les effets du ressac, de l'air marin sur les peintures et l'impact de l'élévation du niveau de la mer sur la conservation du site.

Par Sophie HUET

Toutes les informations d'origine AFP reproduites dans cette page (dépêches, photos, logos) sont protégées par des droits de propriété intellectuelle détenus par l'AFP. Par conséquent, aucune de ces informations ne peut être reproduite, modifiée, rediffusée, traduite, exploitée commercialement ou réutilisée de quelque manière que ce soit sans l'accord préalable écrit de l'AFP. L'AFP ne pourra être tenue pour responsable des délais, erreurs, omissions qui ne peuvent être exclus, ni des conséquences des actions ou transactions effectuées sur la base de ces informations.

Tous droits de reproduction et de représentation réservés
©2001 Agence France-Presse