Signé papillon

GENÈVE. Une institution doit se mordre les doigts de ne pouvoir participer aux enchères : le musée Nabokov de Saint-Pétersbourg, qui est sur le fil du dépôt de bilan… Il est cruel de voir passer des premières éditions de Lolita ou d'Ada sans pouvoir lever le doigt surtout lorsque ces ouvrages sont dédicacés par l'auteur, et de quelle manière ! Les envois de Nabokov avaient pour destinataires principaux son épouse Vera (décédée en 1991) et son fils Dmitri. L'auteur russe, naturalisé américain, résident en Suisse, ne se bornait pas aux quelques mots d'affection convenus. Il dessinait souvent sur la première page un papillon éclatant de couleurs.

Puissance de l'amour
La passion de Nabokov pour les papillons remonte à son enfance. Dès l'âge de neuf ans, il eut le culot de soumettre une espèce qu'il croyait inconnue au verdict des professeurs d'université. Il devait devenir plus tard un entomologiste réputé et effectivement donner son nom à de nouvelles espèces. Ce ne sont pas celles qui ornent les livres proposés : le Verina verae d'une première édition anglaise de Thirteen Stories (1959, 15 000 €) est un hommage évident à sa femme, tout comme l'Apatura verina de l'édition originale de Poems and Problems (1971, 80 000 €). L'amour de l'auteur septuagénaire pour sa femme a quelque chose de proprement indestructible. Dans un envoi de 1970 (un recueil de nouvelles en allemand paru chez Rowohlt en 1969, 12 000 €), son lépidoptère est tout simplement baptisé Adorata adorata… Sans papillon, les lots deviennent beaucoup plus accessibles. Feu pâle, dans la traduction française de Raymond Girard et Maurice-Edgar Coindreau, avec le simple ex-libris «From the library of Vladimir Nabokov Palace Hôtel Montreux Switzerland» est estimé 2 000 €. Il en faudra à peine plus (2 500€) pour Lolita, daté «21 octobre 1959» de la main de Claude Gallimard.