Vienne voit large

À première vue, rien de neuf lorsqu’en se promenant le long du Ring, on aperçoit les écuries de la garde impériale construites il y a près de trois cents ans par Johann Fischer von Erlach... C’est pourtant au cœur de ce grand ensemble baroque qu’est installé l’un des dix plus grands centres culturels au monde, le Museumsquartier ou MuQua. Cet immense complexe de 60.000 m2 regroupe une vingtaine d’institutions dédiées à toutes les disciplines de la création contemporaine : les arts plastiques, bien sûr, mais aussi l’architecture, la danse ou le théâtre pour enfants...

Le MuQua est avant tout un prestigieux lieu de conservation. Depuis le mois de juin, il présente dans la Kunsthalle des expositions consacrées aux formes les plus actuelles de l’art contemporain. Dès septembre, les deux bâtiments construits par Laurids & Manfred Ortner accueilleront de grandes collections. Le musée Leopold, cube crépi de blanc, recueillera les chefs d’oeuvre 1900 légués par le mécène autrichien Rudolf Leopold, parmi lesquels le plus grand ensemble au monde de peintures de Schiele. Le musée d’art moderne (ou Mumok), cube couvert de basalte gris, présentera des œuvres représentatives des grands courants de l’art international du 20e siècle.

Mais le projet du gouvernement autrichien est plus ambitieux encore. Il s’agit de participer à la redéfinition du concept de musée, de transformer ce conservatoire artistique en un gigantesque atelier, en un lieu de vie. Le Tanzquartier met trois studio à la disposition de troupes de danseurs, tandis que le Quartier 21 proposera dès 2002 un programme d’artistes résidents. Les portes du MuQua restent ouvertes 24 heures sur 24 pour accueillir les Viennois qui y trouvent, à leur guise, de quoi se restaurer et se cultiver.

Pour grandiose qu’il soit, le Museumsquartier n’est que l’ombre des projets qui furent présentés durant les 25 ans qu’ont pris son élaboration. En étant amputé de la tour de lecture, qui devait dominer l’ensemble et illuminer la capitale des lumières du savoir, le MuQua a perdu son symbole fort et son audace... De là à voir dans la construction des «sarcophages» des Ortner, la métaphore de « l’enterrement d’une grande idée », il n’y a qu’un pas que les critiques autrichiens n’hésitent pas à franchir.