Paris, carrefour de la bibliophilie

PARIS. Il y a le folio, l'in-quarto, l'in-8, l'in-12. Puis les abréviations chiffrées sont abandonnées et l'on entre dans le domaine des «minuscules». Sur le stand de Rodolphe Chamonal, on peut voir l'un des plus curieux jamais réalisés. C'est un ouvrage d'un pouce de haut intitulé Le Gastronome, agrémenté de textes et de gravures. On ne connaît pas d'autres exemplaires de ce tour de force datant du début du Second Empire. Son prix n'est pas à la mesure de ses dimensions : à 6 000 €, il est probablement plus cher au centimètre carré que la Bible de Nuremberg.

Proust : chère signature
On voit bien sûr beaucoup de choses plus «classiques», du Tableau de Paris de Louis-Sébastien Mercier en 12 volumes de 1782-88 (chez deux libraires différents, autour de 2000 €) aux grands ouvrages de sciences naturelles superbement illustrés des XVIet XVIIe siècles pour aboutir au Buffon mis en images par Picasso (104 000 € chez l'anglais Sims Reed) ou à l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert en plein maroquin d'époque (350 000 € chez Jean-Claude Vrain). Au hasard des allées, on trouve même des pochettes de disques de John Lennon ou de Madonna : le livre ancien est décidémentune discipline très éclectique et, présentée de cette manière, elle ne manquera pas de faire des adeptes dans les jeunes générations. Chez le libraire argentin Aizenman, sont présentés d'importants manuscrits de Borges. Chez Frédéric Castaing, président du syndicat français de la librairie ancienne et spécialiste de l'autographe, on peut choisir entre Louis XIII et Marcel Proust : 10 000 € pour une lettre de ce dernier tapée à la machine… ce qui fait cher de la signature manuscrite.

Bataves en puissance
Si le londonien Bernard Quaritch n'a pas fait le déplacement, son homologue Shapero est là et quelques émissaires américains comme Lame Duck et Fox sont présents. On regrette en revanche l'absence des Italiens, qui semble compensée, comme dans un système de vases communicants, par une représentation accrue des Néerlandais. Parmi les 10 000 visiteurs attendus, une partie sont des collectionneurs avertis qui auront certainement fréquenté les nombreuses ventes de bibliophilie de la semaine à l'Hôtel-Drouot, notamment celle de la maison Pierre Bergé, le 13 mai. Pour les simples curieux en quête d'initiation, les exposants de la foire tiennent à disposition des catalogues, qui sont parfois de petits objets d'art, tandis qu'une dimension plus «muséale» est fournie par l'exposition des trésors de la bibliothèque Sainte-Geneviève. Les comptes, évidemment, ne seront pas clos dimanche soir : il est commun que les négociations les plus importantes se poursuivent après la fermeture du salon.