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Kimberly Camp : « La Fondation Barnes doit entrer dans le XXIe siècle »

De passage à Paris, la directrice de la Fondation Barnes nous a présenté ses projets pour une institution en difficultés financières malgré ses centaines de chefs-d'œuvre.


Exemple d'accrochage à la Fondation
Barnes
© Courtesy of the Barnes Foundation
Comment expliquer qu'une collection aussi extraordinaire soit au bord de la banqueroute ?
Kimberly Camp.
La collection est en effet extraordinaire : nous possédons 44 Picasso, 67 Cézanne et 181 Renoir, outre des tableaux d'autres époques et notamment de peintres américains. Nous sommes dans une situation très fragile mais nous ne sommes pas en faillite. Lorsque je suis arrivée en 1998, le déficit annuel était de 3 millions $, il a été réduit en 2002 à 800 000 $. Comment expliquer cette situation ? Les autorités locales - nous sommes à Merion, dans la périphérie de Philadelphie - nous imposent de ne pas recevoir plus de 62 000 visiteurs par an. Nous ne sommes ouverts que trois jours par semaine. En juillet et août, la période de plus forte affluence, nous devons même fermer le samedi et le dimanche ! Cela pour ne pas, soi-disant, déranger le voisinage alors qu'il y a trois lycées dans les environs immédiats avec plus de 7000 étudiants qui se déplacent chaque jour. Contre nos 400 visiteurs quotidiens…

Accroître le mécénat, vendre un Picasso, sont-ce des solutions satisfaisantes ?
Kimberley Camp.
Vendre un Picasso ? Certainement pas. Ce n'est pas illégal mais d'un point de vue éthique, c'est difficilement acceptable. Si des musées américains vendent parfois des œuvres, comme le MoMA l'a fait récemment, c'est pour financer des acquisitions, pas pour éponger un déficit ! Ce serait la porte ouverte à toutes les dérives. Je suis par ailleurs certaine que les meilleurs spécialistes refuseraient de travailler pour une institution coupable de tels agissements Le mécénat, ou «fund raising», est évidemment une contribution fondamentale. Nous l'avons beaucoup développé, notamment pour financer un inventaire général qui n'existait pas à mon arrivée. La Fondation Barnes, ce sont 9 000 œuvres d'art mais aussi 35 000 photographies, 800 000 documents d'archives (le docteur Barnes gardait scrupuleusement copie de tout son courrier !) et 3 000 essences horticoles. Le tout réparti entre 12 bâtiments avec seulement 35 employés.


© Courtesy of the Barnes
Foundation
Le déménagement vers le centre de Philadelphie serait une solution idéale. De grandes fondations privées vous ont promis de l'argent pour vous y aider.
Kimberly Camp.
Plus que de l'argent, les fondations Pew, Lenfest et Annenberg nous ont promis qu'elles nous aideraient à en lever, ce qui est un peu différent. Nous avons besoin de 100 millions $ pour construire un nouveau bâtiment et de nous constituer une dotation en capital de 50 millions $. Le déménagement est évidemment subordonné à la décision du juge, qui étudie sa conformité avec les statuts. Une première décision a été rendue en janvier 2004 : le magistrat Stanley Ott a accepté l'élargissement du conseil d'administration de 5 à 15 membres et il a reconnu l'état de détresse financière. Il a nous a ensuite demandé des documents proforma sur la construction du nouveau bâtiment et sur son exploitation (nous devrions pouvoir accueillir quatre fois plus de visiteurs). C'est ce sur quoi nous travaillons maintenant. Nous les lui fournirons durant l'été. La décision définitive devrait être prononcée dans les semaines suivantes. En tout état de cause, si nous partons, le siège et l'arboretum de la Fondation Barnes resteront à Merion.


 Rafael Pic
17.05.2004