Rochers et Papillons (détail)
Paravent à 6 panneaux, couleurs sur soie, 73 x 30 cm
Epoque Choson, 18e-19e siècle
© RMN / Thierry Ollivier
Chaek'kori, Vase et Fleurs
Peinture encadrée, couleurs sur papier, 51,5 x 31 cm
Epoque Choson, 18e-19e siècle
© RMN / Thierry Ollivier
| | Une fenêtre sur l'art coréenA l'occasion de l'ouverture des salles coréennes du musée Guimet est rendu public le don par l’artiste Lee U-fan de sa collection rare de peintures et de paravents.
Nostalgies coréennes nous présente cette collection constituée de peintures non académiques. Durant la période Choson (18e et 19e siècles), il existait deux grands courants : la peinture destinée à la contemplation et la peinture ornementale. Seule la première était considérée comme noble. La seconde était réalisée par des peintres ne faisant pas partie de l’Académie. Lee-U Fan nous raconte sa démarche et son amour pour ces créations encore peu connues en Europe et méprisées, il y a peu, en Asie.
Comment est née l’idée de cette exposition ?
Lee-U Fan. Cette exposition a été présentée au Japon plusieurs fois. Depuis 20 ans environ, j’essaie de faire partager mon amour pour l’art coréen. Je veux le faire connaître en Europe. Le musée Guimet m’avait contacté au Japon. Cette exposition est née de deux désirs, d’une rencontre. Nous avons concrétisé ces envies, à l’occasion de la réouverture du musée Guimet et des salles coréennes.
Quelles pièces vous touchent le plus ?
Lee-U Fan. Les paravents aux livres. Ces peintures sont appelées Chaek’kori. Leur fonction était purement décorative. On les plaçait dans la chambre des enfants ou dans les cabinets d’études. Elles représentent les objets du lettré, on y trouve des livres, des lunettes et des instruments d’écriture. A partir de cette base, les artistes développaient et composaient au gré de leur imagination. J’aime particulièrement les deux Chaek’kori représentant des intérieurs féminins. J’aime comme ces deux œuvres suggèrent la féminité, elles ont quelque chose d’érotique. Comme vous le savez, dans la société coréenne traditionnelle, les femmes étaient confinées, presque enfermées à l’intérieur. Les Chaek’kori sont en général plutôt liés à l’image des livres. Ils étaient placés dans la chambre des hommes ou des enfants. Je pense que ceux-ci ont été réalisés par des femmes.
Comment avez-vous monté cette collection ?
Lee-U Fan. Je l’ai commencé, il y a une quarantaine d’années. Avant de collectionner, il faut dire que j’ai grandi dans cet environnement artistique, dans ma maison d’enfance, avec les peintres saisonniers. C’est avec eux que j’ai appris l’art. Je me suis installé au Japon vers la fin des années 50 et j’ai vu que, partout, ces peintures étaient maltraitées. Jusqu’à la fin des années 80, elles n’étaient pas considérées. J’ai commencé à les collectionner pour les préserver et les faire redécouvrir. Depuis les années 70, je venais en Europe régulièrement pour présenter mes propres expositions. J’ai vu que l’art coréen y était totalement inconnu. Il est difficile de parler de la culture coréenne. En général, quand on pense à la Corée, on pense à son passé douloureux, à la guerre, ou encore au boom économique, à l’économie, au travail. J e souhaite montrer que malgré les invasions et au-delà du contexte économique et social, il y avait et il y a une véritable joie de vivre en Corée, de la couleur et de la fantaisie. Dans cet art, on trouve de l’humour, un côté positif par rapport à la vie.
A travers l’exposition, on trouve différentes thématiques, chaque fois représentées avec goût. Il semble que vous ayez procédé de façon très méthodique pour constituer votre collection ?
Lee-U Fan. En effet, cette collection est très structurée avec ses thématiques. Mais c’est aussi une vue très personnelle de cette période de l’art coréen. Toutes ces œuvres me sont très chères. Je les ai choisies parce qu’elles me touchaient personnellement.
On est surpris par les couleurs parfois vives, les images étranges. Elles évoquent le fauvisme, le surréalisme. Y a-t-il eu précisément une influence de l’art coréen sur ces courants ?
Lee-U Fan. Cela correspond aussi à mon choix. Il y a eu beaucoup d’échanges artistiques avec le Japon au 17e et 18e siècles. S’il y a eu des échanges entre la Corée et l’Europe, cela s’est fait par le biais du Japon. Cette forme de peinture est typique de la dynastie Choson (14e-20e siècles). Ces paravents sont voués à créer un espace mobile dans l’espace. Pour la peinture officielle, on utilisait peu les couleurs. En revanche, la maison était un espace de libération de la couleur. Au début, les codes de couleurs assez stricts étaient respectés et puis, au fil du temps, cette notion s’est effacée. Les artistes ont peu à peu échappé aux codes, surtout ces peintres qui n’étaient pas académiques, et ont développé leur propre poésie.
| Laure Desthieux 18.10.2001 |
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