Michel Bouillon Grand buffet ou les cinq sens, 1651-57
Huile sur toile. Tourcoing, Musée des Beaux-Arts
© Musée des Beaux-Arts Tourcoing
| | La vie dans les plisLe musée des beaux-arts de Tourcoing étudie le pli à travers les âges. Un thème savant, que la commissaire, Evelyne-Dorothée Allemand, nous aide à déchiffrer.
Pourquoi ce sujet et que cache-t-il ?
Evelyne-Dorothée Allemand. Le choix découle d’une volonté de notre part d’accompagner l’ouverture du musée d’art et d’industrie de Roubaix que nous soutenons depuis l’approbation du projet d’ouverture. Il n’est donc pas anodin que nous ayons choisi le thème du pli rappelant la richesse du fonds textile dans ce nouvel établissement. L’approche n’est pas historique. Nous souhaitions plutôt mêler les œuvres dans un espace-temps ouvert, qui permette à la fois d’interroger l’art contemporain au côté des autres siècles et de mélanger les techniques comme design, peinture, textile...
Comment s’organise l’exposition ?
Evelyne-Dorothée Allemand. Trois grands moments rythment cette présentation. Tout commence avec le drapé baroque et le Grand buffet ou les cinq sens de Michel Bouillon dans laquelle les plis se font et se défont sans cesse, participant ainsi à la théâtralité de la toile. On peut pousser l’analyse jusqu’à trouver une équivalence avec les plis de l’âme. Cette fonction de plier, déplier, replier se retrouve d'ailleurs dans les processus de création contemporaine. L’œuvre de Bouillon se trouve confrontée à une sculpture contemporaine d’Antony Caro, Summer table qui reprend le thème de la nappe, dont le lourd drapé donne toute la force à l'œuvre. Le second moment aborde les plis du temps sur le paysage et sur l’homme. Les Nouveaux nés et les Vieillards de Philippe Bazin parlent de cette violence du temps sur la peau, qui se manifeste par des rides et des plis. La dernière approche est comme un clin d'œil sur l’étymologie du mot sein et fait référence aux vêtements recouvrant le corps humain. Les exemples sont nombreux : citons les photographies de Gaëtan Gatian de Clerambeault, dans les années 1914-1920, mettant en scène des hommes et des femmes dans des drapés soignés et sophistiqués. Cette recherche permet au maître de Lacan d’approfondir, ou de mettre en œuvre, les théories de son traité sur L’érotomanie des étoffes chez la femme. Le textile est présent dans les travaux d’Issey Miyake ou d’autres stylistes comme Pietro Seminelli qui présente Exuvie, des panneaux de tissus d’inspiration japonaise imitant la peau du serpent après la mue.
Quel est l'objectif de cette exposition ?
Evelyne-Dorothée Allemand. Nous souhaitions avant tout interroger notre collection sous un autre angle en la complétant par des œuvres des FRAC Pas-de-Calais, Alsace, Basse-Normandie, du musée de l’Homme de Paris, du musée des étoffes de Mulhouse, des musées des Beaux-Arts de Caen et de Lille. L’objectif était de souligner la richesse des collections du Nord. Il s’agit d’une déambulation physique et mentale dans le musée entre les 100 œuvres présentées. Le pli est partout mais c’est surtout un système de pensée, une manière d’aborder les choses. Nous proposons des lectures plus sensibles qu’historiques sur un thème qui associe à la fois des dessins d’Ingres et des étoffes, de l’art ancien et de l’art contemporain, le pli grec et le pli d’Asie.
| Stéphanie Magalhaes 05.11.2001 |
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