Ara Pacis, la paix ou la guerre ?

Le bouillonnant secrétaire d’Etat à la Culture, Vittorio Sgarbi, continue de faire des vagues. Après avoir agoni de mots peu amènes la direction du musée d’art contemporain Pecci à Prato, il tourne ses regards vers l’Antiquité. Et déclare inadmissible le projet de confier à l’architecte américain Richard Meier - auteur du siège de Canal + à Paris et du musée d’art contemporain de Barcelone – la nouvelle installation de l’Ara Pacis. Pour Vittorio Sgarbi, l’Ara Pacis doit trouver sa place dans un musée, celui des Thermes. Un déplacement qui ne pose aucun problème selon le secrétaire d’Etat puisqu’il s’agit en l’occurrence d’un bien meuble. La polémique a bien sûr un fondement politique : la mission confiée à Richard Meier l’a été par l’ancien maire de Rome, Francesco Rutelli, qui a été pendant la campagne des législatives au printemps, en tant que tête de liste des partis de gauche, l’adversaire de Berlusconi.

L’Ara Pacis a été construit à la demande du Sénat romain pour célébrer les campagnes victorieuses d’Auguste en Espagne et en Gaule. Placé sur le Champ de Mars, il devait signifier le début d’une ère de paix. Chaque 23 septembre, à l’occasion de l’anniversaire de l’empereur, des célébrations y avaient lieu tandis que l’ombre de l’obélisque de Psammétique II tombait exactement en son centre. Tombé en désuétude, l’Ara Pacis a subi un processus d’enterrement progressif jusqu'à disparaître. A partir de la fin du 16e siècle, on en retrouve plusieurs fragments qui finissent dans les collections des Médicis et dans les musées étrangers. Ce n’est qu’au 19e siècle que des érudits allemands recomposent la structure du monument. Mais il faudra attendre 1937 pour qu’une complexe opération de sauvetage soit menée par le régime fasciste, très soucieux de souligner ses ascendances romaines. L’Ara Pacis est déplacée et installée en bordure du Tibre, à proximité du mausolée d’Auguste, où Mussolini entendait bien reposer lui aussi…

Le bâtiment actuel a pour origine le projet de l’architecte Morpurgo, que ses ascendances juives empêcheront de porter à terme. Mal conçue, l’enveloppe actuelle souffre de problèmes d’aération et aggrave les contrastes de température. La lumière n’y est pas bien diffusée. D’où le souhait de l'ancien maire de la ville d’élaborer un nouveau musée, dont la réalisation a été confiée à Richard Meier. Le nouveau maire, depuis le printemps dernier, Walter Veltroni, a pris le relais. L'adjoint à la Culture, Gianni Borgna, a violemment réagi aux propos de Vittorio Sgarbi. «Le projet a été approuvé par toutes les autorités compétentes, explique-t-il. Lors des discussions, en 1999, jamais Vittorio Sgarbi n'a fait entendre sa voix ! Le secrétaire d'Etat semble d'autre part oublier que l'Ara Pacis fait désormais partie du domaine municipal. Enfin, le transfert du monument vers un musée risquerait de provoquer des dommages irréparables.»