La photographie à Chelsea, New York, octobre 2001

En 1998, le quartier de Chelsea s’anime avec entre autres l’aménagement d’un centre d’art contemporain, le DIA, dans d’anciens entrepôts, près de l’Hudson, sur la 22e rue et, à quelques mètres de là, le magasin d’un célèbre créateur de mode japonais, au décor très avant-gardiste et qui sollicite la curiosité des promeneurs. En peu de temps, c’est-à-dire à peine plus d’un an, ce quartier qui, à quelques exceptions près - le Chelsea Hotel -, avait peu de rapport avec le monde de l’art, voit s’installer un nombre grandissant de galeries. Celles-ci vont pour la plupart entourer le DIA et s’installer de la 20e à la 25e rue, entre la 10e et 11e avenue. Elles se consacrent à l’art contemporain et plus exactement répondent à l’attente des amateurs pour lesquels la photographie et la vidéo sont aujourd’hui des modes d’expression majeurs de l’art. Beaucoup de ces galeries ont quitté Soho, qui s’est laissé envahir par les boutiques de mode et les restaurants, et elles ont trouvé là plus d’espace et de lumière. Certains immeubles vont même jusqu’à abriter plusieurs galeries sur un même étage. Car au bord de l’Hudson, nombreux et vastes sont les entrepôts, beaucoup d’ailleurs d’un style assez ancien, et les immeubles du quartier n’étant pas très haut, la lumière du jour pénètre abondamment dans les rues. La taille des galeries est telle que certaines, comme Gagosian, peuvent accueillir les sculptures monumentales de Richard Serra.

Inutile de préciser qu’après la tragédie qui a frappé Manhattan et la tension liée à la situation internationale, beaucoup s’inquiètent de l’évolution du marché de l’art et en particulier de l’avenir de ces énormes investissements dans le quartier. Quoi qu’il en soit, un samedi d’octobre 2001, on pouvait ainsi découvrir tour à tour les derniers travaux de Philip-Lorca diCorcia : première exposition dans le tout nouveau local de Pace Wildenstein, les tableaux toujours aussi excentriques du Japonais Yasumasa Morimura chez Luhring Augustine, accompagnés d’une désopilante vidéo, et dans le même immeuble, à la galerie Andrea Rosen, des agrandissements de photographies de Walker Evans destinés à sa rétrospective organisée en 1971 par le MoMA. À la galerie Matthew Marks, la très jeune artiste hollandaise Hellen Van Meene montrait de troublants portraits d’adolescentes japonaises, des images extraites du livre de Larry Fink, “Social Grace”, figuraient chez Yancey Richardson, quelques scènes fragiles de Paul D’Amato à la galerie Yossi Millo, de jolies compositions de Marsha Burns chez Charles Cowles, ou encore le subtil coloriste italien Luigi Ghirri, chez Julie Saul, dans le cadre d’une manifestation sur la photographie italienne organisée en cet automne par Martino Marangoni dans plusieurs lieux de New York. Autre artiste de la couleur : Sheila Metzner, chez Stevenson. À noter enfin, les intéressants travaux documentaires d’Andrea Robbins et Max Becher, qui n’est autre que le fils du célèbre couple de la photographie allemande Bernd et Hilla Becher, et présentés conjointement par les galeries Sonnabend et Leslie Tonkonow se faisant face dans la 24e rue. Outre la qualité de ces espaces consacrés à la photographie, c’est la diversité des oeuvres qui est remarquable. Pas de sectarisme, de cloisonnement : il n’y a pas, d’un côté, les artistes qui utilisent de façon plastique ou conceptuelle la photographie, et de l’autre, les photographes qui suivent une démarche traditionnelle. Partage en revanche assez sensible à Paris. Ici, il n’est pas nécessaire de changer de quartier pour voir un autre style d’images photographiques. Certes, quelques galeries plus classiques gardent leur adresse près du MoMA, mais il est possible qu’elles ne résistent pas longtemps à la tentation de rejoindre Chelsea, comme vient de le faire Pace Wildenstein.