Tous les visages de la photographie canadienneDes portraits pris par un Inuit dans les années 40 aux compositions post-modernes, Ottawa montre la variété de la création locale.
| Serge Clément, Yaxcopoil
(hacienda), Mexique, 1987
© Musée canadien de la
photographie contemporaine |
Il n’est pas si fréquent de parler du Musée canadien de la photographie contemporaine (MCPC) d’Ottawa. Cette institution est pourtant dotée de plus de 160 000 négatifs illustrant le travail de 500 photographes canadiens, collection qu’elle met en valeur avec des expositions diffusées dans le pays ou présentées dans ses locaux insolites, aménagés dans un ancien tunnel ferroviaire. L’occasion en est aujourd’hui donnée par trois expositions qui se tiennent simultanément au MCPC et illustrent la diversité de la photographie canadienne.
| Peter Pitseolak, Autoportrait
avec un casque d’aviateur,
vers 1945 © Musée canadien
de la photographie
contemporaine |
«Une mise en ordre» réunit des œuvres post-modernes, créées de 1970 à nos jours par 25 artistes. Par leur variété, elles incitent à prendre du recul par rapport aux images qui nous entourent, pour mieux comprendre comment chacune d’elle se construit. Elles aident à saisir la façon dont les praticiens contemporains jouent avec les processus et les techniques pour reconstruire et ordonnancer la réalité ou au contraire pour véhiculer une idéologie. Transition toute trouvée pour le second ensemble d’œuvres, «Rencontre et déplacement», consacré à Arni Haraldsson et Manuel Pina. L’un et l’autre se penchent en effet sur l’espace public et les traces de son histoire en s’intéressant aux sites parisiens qui auraient pu être anéantis par le plan Voisin de Le Corbusier et à l’Avenida de los Presidentes de La Havane, habitée par les fantômes de monuments à la gloire de généraux pro-américains démolis lors de la révolution cubaine.
«Peter Pitseolak» illustre un tout autre pan de la photographie canadienne. Né en 1902 sur l’île arctique de Baffin, il assista aux transformations de la culture Inuit, à l’arrivée des missionnaires, des commerçants de fourrure, des écoles et de l’alcool. Attaché à la civilisation de ses ancêtres, il voulut la consigner avant qu’elle ne disparaisse. Il se consacra ainsi à l’écriture d’une autobiographie et au recensement de légendes. Et lorsqu’il eut découvert la photographie par le truchement d’un «homme blanc» qui lui demanda de prendre à sa place la vue d’un ours polaire par trop effrayant, Pitsoelak choisit d’immortaliser les membres de sa communauté. Des années quarante à sa mort, en 1973, il fit ainsi poser les Seekooseelakmiut dans des costumes traditionnels en peau que les uns et les autres s’échangeaient car ils cédaient déjà la place à d’autres vêtements plus modernes…
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