Les tribulations d’un Chinois à Lyon

A Lyon, un amateur d’art passe du bon temps en ce moment. On peut découvrir au musée des beaux-arts une partie de la collection Berardo, venue de Sintra : Appel, Arp, Brauner, Masson ou Picasso. Au Rectangle, c’est l’architecte et peintre Georges Adilon qui est mis en avant. Peintures en un noir et blanc fougueux, architectures qui anticipent curieusement Frank Gehry…

Mais l’exposition la plus attendue est celle de l’artiste chinois Cai Guo-Qiang au musée d’art contemporain. Le bâtiment en brique de Renzo Piano est conçu de telle façon que les cimaises peuvent apparaître ou disparaître selon les besoins de chaque exposition. Au deuxième étage, sur les 1000 m2 de surface, on se croirait dans le Hunan ! Suivons la Rivière de bambou, en barque si l’on veut, car de chaque côté, suspendues, d’autres oeuvres de l’artiste sollicitent le regard. C’est une façon de se mettre soi-même en abîme, le spectateur faisant ainsi partie de l’œuvre. Attention au sac pourvu de trois miroirs ronds ! Ces derniers reflètent les trois serpents couleur de sable, amorphes mais bien vivants ,qui se trouvent au fond. A bien les décrypter, ils portent chacun en incrustation une image symbolique : un dragon, le péché originel d’après Michel-Ange, des masque chinois. Des canaris en cage, des poissons dans un aquarium, des créatures de la nature côtoient très naturellement les artifices de l’art. Si l’artiste traverse le temps de sa création avec une sensibilité d’enfant, il est si poétique de le suivre…

Au troisième étage, l’ambiance change. Sur 500 m2 un petit wagonnet rose évolue sur des rails dorés en acier, amenant le visiteur tout près du plafond, presque entièrement recouvert par une sérigraphie composée par la reproduction du Nu descendant un escalier de Duchamp, du Vol dans le vide d’Yves Klein, des bandes de Daniel Buren, des Matériologies de Jean Dubuffet. On croit monter en grande pompe vers les cimes de l’art français contemporain tant la suite symphonique intitulée Les planètes du compositeur anglais Gustav Holst, qui accompagne le manège, amplifie la sensation de décollage vers les mystères impénétrables de l’art. Connu pour le spectacle frappant de ses feux d’artifice qui semblent incendier tous les bâtiments de la terre et qui, aujourd’hui, hélas, nous font froid dans le dos, Cai Guo-Qiang fait appel, dans ses œuvres, à l’enfant qui vit encore en chacun de nous.