Vincent Ducourau, conservateur du Musée Bonnat

Ce tableau de 2,30 m de long et 3 m de large, qui représente un paysage de bord de mer, se caractérise par son cadre peint aux décors végétaux. Au premier plan, des femmes drapées de voiles blancs, au visage calme et serein, sont allongées sur la grève alors que des enfants nus se battent sous le regard paisible de celles-ci. À leurs côtés, des fruits sont posés à terre, symbole d’une terre fertile et généreuse tandis qu’au loin des pêcheurs préparent leurs filets pour la pêche. De la mer limpide, sur laquelle voguent de légères barques, émane une douceur qui justifie le titre de la composition. Les couleurs sont pâles, les coloris ocre des corps rappellent ceux du sol, on ne remarque aucune rupture flagrante. Ce tableau qui raconte moins une histoire qu’une atmosphère illustre la vague réaliste naissante en cette fin de 19e siècle. On y retrouve le côté symboliste et cet aspect primitif et idyllique.

Cette œuvre, datée (1882) et dédicacée, fut l'objet d'une commande par le peintre et collectionneur Léon Bonnat. C’est au salon de 1882 que seront réunis Doux paysage et le portrait très académique de Puvis de Chavannes réalisé par Léon Bonnat. Ce portrait, offert au peintre, est encore présent dans la famille Puvis de Chavannes. Ils étaient accrochés côte à côte lors du salon de 1882 mais le public présent n’a ressenti aucune différence alors que Puvis de Chavannes, par son style, ferme la peinture académique et ouvre à quelque chose d’extraordinairement moderne.

Avant d’entrer au musée, Doux paysage trônait dans le grand escalier de l’Hôtel particulier de la famille Bonnat situé rue Bassano dans le quartier des Champs-Elysées. En 1922, Bonnat meurt et fait don de sa collection au musée des Beaux-Arts de Bayonne. Accroché dans un premier temps dans le grand escalier du musée, il sera déplacé dans le patio du musée d’où il est visible depuis toutes les galeries. Très fragile, il a subi une restauration dans les années 80. En effet, le peintre n’utilisait que peu de matière avec peu de préparations, d'où une plus grande sensibilité et davantage d'altérations causées par le temps. Le Crépuscule (1902) de Maurice Denis, accroché à ses côtés, résonne à l'unisson avec des ocres, des bleus, des couleurs primaires maîtrisées.