Piccolomini (Aeneas Silvius), Historia de duobus amantibus, F14 verso, miniature représentant un Empereur entouré de trois prélats, vers 1475, 17,4 x 11,5 cm
| | Enluminures au sommetPlus de 15 millions de francs : L'Histoire de deux amants a battu le 28 juin le record français pour un manuscrit enluminé. Tentatives d'explication.
Le 28 juin 2001, l'étude Laurin-Guilloux-Buffetaud adjugeait, à Paris, un manuscrit de 1470 sur peau de velin, enluminé de onze peintures, dues à un artiste de l'ouest de la France, pour 15,5 millions FF, soit dix fois son estimation. L'oeuvre, calligraphiée en latin à l'encre brune, qui a ainsi obtenu la plus haute enchère française dans sa catégorie, est Historia de Duobus AmantibusHistoire de deux amants). Elle a été écrite à l'âge de 39 ans par Aeneas-Silvius Piccolomini (1405-1464), mieux connu sous le vocable de Pie II puisqu'il fut pape de 1458 à 1464. Le texte érotique - il s'agit de la correspondance passionnée de deux amants - d'un futur souverain pontife peut expliquer l'intérêt porté au manuscrit. En justifie-t-il le prix ? Nous avons interrogé Christian Galantaris, expert près la cour d'Appel de Paris.
- Ce prix est-il exorbitant ?
Christian Galantaris. Je ne le pense pas. Quand on observe les prix atteints par l'art moderne ou contemporain, on peut s'étonner du bas prix relatif d'objets vieux d'un demi-millénaire. Il y a une dizaine d'années encore, des manuscrits similaires, pour l'essentiel liturgiques, ne dépassaient pas quelques centaines de milliers de francs. Dans la vente en question, deux facteurs me paraissent avoir influé. Il s'agit d'abord, clairement, de peintures d'une qualité exceptionnelle. Il existait à l'époque de nombreux ateliers d'enluminure qui produisaient des illustrations de façon quasi industrielle. Ce travail collectif fournissait des images standardisées - Nativité, Fuite en Egypte ou Visitation - sans cesse répétées. L'ouvrage en question n'entre pas dans cette catégorie. Nous avons ici affaire à un véritable artiste. En outre, la plupart des manuscrits enluminés du Moyen Age sont des ouvrages de piété, de dévotion. Il est infiniment plus rare de trouver une oeuvre littéraire de cette importance.
- Assiste-t-on à une renaissance du marché du livre enluminé ?
Christian Galantaris. Un marchand new-yorkais - Hans Peter Kraus - avait donné un fort dynamisme au marché jusqu'aux années 1980. Sa disparition a entraîné une stagnation des échanges mais un marchand allemand doté de gros moyens et qui produit des catalogues exceptionnels - Heribert Tenchert - a récemment pris sa suite. Je pense que nous assistons effectivement à la renaissance d'un marché qui est, il ne faut pas l'oublier, étroit : par an, dans le monde, il ne s'échange pas plus de 20 manuscrits de l'importance de l'Histoire de deux amants...
|