| Zagourski, Coiffure
© Pierre Loos, 2001, Skira Editore |
Mal d'Afrique en noir et blancOn publie les images africaines de Zagourski, un photographe polonais dont on a perdu les traces mais pas l'œuvre, recueillie par le collectionneur Pierre Loos.
Qui était Zagourski ?
Pierre Loos. Zagourski est un Polonais qui a fui le régime soviétique pour s'installer au Zaïre au début des années vingt. A Léopoldville, l'actuelle Kinshasa, il a ouvert un magasin de photos dans lequel il réalisait des développements pour la société belge de la ville. Il y vendait aussi des cartes postales. Zagourski est le premier à avoir fait du reportage en brousse. Il partait avec sa camionnette et débordait vers les pays limitrophes, comme le Kenya et le Tchad. N'étant pas belge et n'agissant pas dans le but de convertir, il n'était pas mal vu par les tribus. Il a d'autre part eu le temps de préparer ces missions. On voit sur les photos que les gens ne posent pas. Zagourski a réalisé deux séries, «l'Afrique qui disparaît», qui comptent respectivement 200 et 217 photos. Mais il n'a pas tout publié, il existe des inédits dans chacune des séries. Au total, ce sont environ 800 ou 900 photos - des négatifs souples dont il a fait quelques tirages en grand format qui ont été montrés à l'Exposition coloniale de Paris en 1937. Les plus beaux sont sur un extraordinaire papier Agfa Gevaert velours. Je suppose qu'il a dû mettre une dizaine d'années pour faire ces deux séries : une première pour se faire connaître puis la seconde.
Comment avez-vous recueilli les photos ?
Pierre Loos. Je suis tombé par hasard, en 1969, sur une photo qui m'a frappé. C'est ce profil de femme mangbetou qui a fait la couverture du livre. Il y avait un nom au verso. Comme je suis antiquaire en arts non européens, j'ai cherché… et j'ai trouvé l'album complet avec un éléphant en frontispice. C'était une édition de luxe, dont il n'a pas dû faire plus de 15 à 20 exemplaires, avec une couverture en cuir repoussé. Chaque photo y est légendée à l'encre blanche. Par un hasard invraisemblable, je suis ensuite tombé sur des négatifs. Ils appartenaient au fils d'une dame qui avait travaillé avec lui dans son atelier à Léopoldville. Autre hasard : quatre jours après avoir achevé le livre, en août 2001, j'ai trouvé une autre série de négatifs. Ils me sont utiles pour recenser l'ensemble des photos de Zagourski. Car le livre que nous publions est bien évidemment entendu réalisé à partir des tirages anciens et non des négatifs.
Qu'est devenu Zagourski ?
Pierre Loos. Je sais qu'il est mort en 1941 mais je n'ai pas de photo de lui ! J'ai réuni des documents mais c'est une tâche très difficile : Zagourski n'a pas eu de reconnaissance de son vivant. Il y a quelque temps, une personne m'a fait savoir qu'elle avait une photo de lui. Lorsque j'ai voulu la lui demander, j'ai appris qu'elle venait de mourir, à 93 ans… Beaucoup des éléments que je possède sur Zagourski proviennent d'une lettre officielle qu'il avait envoyée au ministère des colonies à Bruxelles pour se faire accréditer. Il semble avoir été éconduit. Je vais exposer les photos dans ma galerie Ambre-Congo, 17, impasse Saint-Jacques, au Grand Sablon, à Bruxelles. L'année prochaine, elles seront peut-être montrées au Smithsonian Institute, à Washington.
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