L’affaire MoreauLes deux toiles du peintre symboliste proposées vendredi dernier à Londres, chez Christie’s, n’ont pas trouvé preneur. La faute à qui ?
Les deux tableaux-clous de la vacation du 9 novembre étaient un grand Sainte Cécile, achevé en 1897, un an avant la mort de l’artiste – une superbe composition aux couleurs lourdes, denses, métalliques - et un petit Saint Sébastien et ses bourreaux de 1870. Le premier était estimé à 500 000 £, le second à 140 000 £. Dans une vente marquée par l’attentisme, les deux pièces n’ont pas trouvé preneur, pas plus que le Böcklin (Ruine avec des aigles, 1886) pourtant d’excellente facture. «Le résultat est en effet décevant, concède Timothy Hunter, responsable du département art européen du 19e siècle chez Christie’s. A la suite des mauvaises enchères de New York, la semaine précédente, sur le même segment de marché, les collectionneurs ont préféré s’abstenir.»
Le Sainte Cécile était déjà passé en vente publique, notamment chez Sotheby’s en mars 1983, où son actuel propriétaire l’avait acquis, au quart de l’actuelle estimation basse. Des estimations gonflées seraient-elles la cause de l’échec ? C’est ce que semble penser Frédéric Chanoit, expert de la vente du 23 octobre chez Gros-Delettrez à Paris, qui propose justement un Moreau, Diane chasseresse. «C’est tout le problème lorsque l’on fixe des prix de réserve trop élevés : on n’arrive plus à vendre. Mais, d’une façon générale, les Moreau de la dernière période, plus grands, d’un symbolisme agressif, sont plus difficiles à vendre que les petits formats du début, emplis d’une poésie extraordinaire, pleins de charme.»
Peut-on parler d’un problème Moreau ? Pas pour Frédéric Chanoit, qui rappelle qu’il est très difficile de généraliser tant sont rares les œuvres de l’artiste qui passent sous le marteau. « Nous avions vendu en 1993, qui était aussi une très mauvaise période, un petit format de 1855, Hercule et les oiseaux du lac Stymphale à 450 000 FF.» Pour Timothy Hunter, le prix n’est pas en cause. «Les tableaux valaient les estimations. Nous n’avons d’ailleurs pas eu de pression à la hausse de la part des vendeurs. Les œuvres étaient de toute première qualité et en très bon état. On pouvait juste signaler une petite éraflure en haut à droite sur le Sainte Cécile.» D’après le spécialiste anglais, les Moreau et le Böcklin continuent de susciter un grand intérêt de la part des institutions et il n’est pas exclu qu’elles trouvent un acquéreur dans une négociation «after-sale». A suivre…
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