| Francisco de Goya y Lucientes,
Raison ou déraison© Diputacion Provincial de Saragosse |
Quimper accueille Les désastres de la guerreLe musée des beaux-arts de Quimper revient sur la célèbre série de Goya.
En 1808, les conquêtes napoléoniennes s'engagent en l’Espagne. Les troupes françaises entrent dans Madrid et assiègent Saragosse. Les 2 et 3 mai 1808, le soulèvement du peuple madrilène est sévèrement réprimé. Scènes immortalisées par Goya dans deux toiles signant les prémices du romantisme. Le premier peintre de la cour s’éloigne peu à peu de la famille royale pour s’attacher à des scènes plus populaires. À Saragosse, le général Palafox participe à la résistance espagnole et Goya commence à graver les «Désastres de la guerre». La série est composée de 80 gravures, 47 planches sur la guerre elle-même et deux autres séries sur les conséquences du conflit. Terminées en 1815, les estampes ne seront éditées qu’en 1863, après la mort de l’artiste en 1828.
Premier artiste à donner ses lettres de noblesse à l’aquatinte, Goya excelle dans ce type d’exercice graphique comme en témoigne sa série des « Caprices» publiée en 1799. Dès lors, le peintre délaisse les sujets courtois pour laisser libre cours à ses visions et dénoncer la bêtise humaine sous toutes ses formes. Déçu par l’Église et la perte de certains idéaux humanistes, Goya transpose sa souffrance dans les scènes du conflit franco-espagnol. De portée universelle, chaque planche porte un titre suscitant une réflexion ou une interrogation. Aucun héros ne se démarque, seuls des hommes du peuple, déguenillés, se battent pour défendre une nation. Les femmes sont très présentes dans cette série, elles allument les canons et escaladent les cadavres dans Quelle valeur . Si Goya n’innove pas dans le choix d’un thème déjà exploité par Callot, le velouté de ses noirs donne à son œuvre une consistance nouvelle.
Véritable cartographe du champ de bataille, Goya cadre ses scènes sur de petits groupes, comme un photographe donnant des gros plan du conflit. Raison ou déraison présente trois soldats français de dos tirant sur des Espagnols. Elles sont féroces illustre des femmes portant des enfants sur leurs dos. La valeur de témoignage est restituée dans la planche Je l’ai vu . Outre ces scènes de torture et de barbarie de la première série, l’artiste n’hésite pas, ensuite, à condamner les actions de ses proches. La famine et d'autres conséquences de la guerre se succèdent dans la seconde série de gravures. «Les caprices emphatiques» qui représentent le dernier volet de la série et insistent sur le rôle de l’Église et des élites de la société. Sous le titre de Et voilà le pire , un renard signe un décret pour un ecclésiastique. Le caractère universel de cette œuvre donne à l’actualité un aspect de déjà vu.
| Stéphanie Magalhaes 17.11.2001 |
|