| © Architecture de vérité
Lucien Hervé
Phaidon, 2001
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Du Thoronet à Le CorbusierL'ouvrage de Lucien Hervé sur l'abbaye du Thoronet vient d'être réédité. Révélation d'une architecture cistercienne par le photographe de Le Corbusier.
Né en 1910, Lucien Hervé exerce, jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, plusieurs métiers, tour à tour modéliste, peintre, affichiste de cinéma, critique d'art, il devient photographe en 1939 pour le compte de l'armée. En 1949, il fait une rencontre déterminante, celle de Le Corbusier. Alors architecte mondialement célébré, ce dernier pratique une nouvelle architecture qu'il qualifie de «brutaliste», privilégiant l'expressivité du béton brut. L'Unité d'habitation de Marseille ou «Cité Radieuse» réalisée à la fin des années quarante, manifeste de ce style, sera la première architecture «corbuséenne» photographiée par Lucien Hervé. Les quelque 600 clichés qu'il réalise de cet ensemble de logements lui valent le titre de photographe attitré de l'architecte, jusqu'à la mort de ce dernier en 1965. Lucien Hervé travaille parallèlement pour les tenants de la modernité architecturale dont Alvar Aalto, Richard Neutra, Oscar Niemeyer et Jean Prouvé. Mais le photographe ne s'intéresse pas aux seules formes contemporaines, et, au début des années 1950, il entreprend de fixer sur le papier un chef d'œuvre de l'architecture cistercienne: l'abbaye du Thoronet. Certes, il s'agit là d'un ouvrage médiéval mais les similitudes avec les volumes du Corbusier sont grandes . Nul trait gothique ici, ni ogive, ni voûte quadri-partite, ni pendentif, mais des volumes simples, une structure évidente, une alternance d'angles droits et de courbes, de pleins et de vides, une matière brute.
Les photographies qui résultent de cette rencontre architecturale sont rassemblées dans un ouvrage édité en 1957 par Arthaud et préfacé par Le Corbusier. Elle sont aujourd'hui à nouveau disponibles dans une réédition par Phaidon. La couverture, en tissu de teinte naturelle, la maquette laissant une large place à l'image et les reproductions, sur un papier mat, ne jouant pas de la séduction du glaçage, semblent répondre au contenu même du livre. Chaque photographie est accompagnée d'une citation empruntée aux Evangiles, aux écrits de Bernard de Clairvaux ou encore au Cantique des Cantiques, suggérant les sensations qui vous pénètrent à la visite de ce lieu, mettant en évidence le pouvoir suggestif de cette architecture , spirituelle. Les photographies de Lucien Hervé ne sont qu'ombre et lumière. Cette dernière ne décrit pas la forme, elle la construit, la structure et par là, la révèle. La lumière est le matériau par lequel le volume existe et le photographe en maîtrise ici, toutes les potentialités expressives. Lucien Hervé est un photographe d'architecture, un homme qui sait la regarder et en capter l'essence.
| Raphaëlle Stopin 26.11.2001 |
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