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Marché

Dix Tiepolo pour un Watteau

Dans la vente de dessins anciens chez Piasa, les deux lots phares sont tous deux estimés aux alentours de 2 millions FF. Il s’agit d’une feuille d’études de Watteau et d’un ensemble de Giovanni Domenico Tiepolo traitant du Nouveau Testament.

Quelle est la place de Paris sur le segment du dessin ? L’ouverture du marché va-t-elle changer quelque chose ? Pour Patrick de Bayser, l’un des experts de la vente, les indicateurs sont positifs :«La place de Paris devrait consolider sa position, qui est déjà forte. Nous avons fait un bon travail depuis une dizaine d’années, qui s’est notamment matérialisé par le Salon du Dessin. L’une des particularités de la France est qu’il y existe un véritable public d’initiés, qui ne se limite pas à 50 personnes.»

L’un des deux lots les plus attendus est un ensemble de 10 dessins de Giovanni Domenico Tiepolo (1727-1804), le fils de Giambattista, sur le thème du Nouveau Testament (chaque dessin de 60 000 à 200 000 FF). La série initiale comptait plus de 300 dessins, dont la moitié sont aujourd’hui au Louvre. Elle a été réalisée après le retour à Venise du peintre, qui avait suivi son père auprès de la cour espagnole à Madrid. «A côté du recueil Fayet, qui est celui du Louvre, les autres dessins – ceux de la collection Luzarche - ont été dispersés à partir du 19e siècle. On peut citer notamment la vente Cormiers de Tours dans les années vingt, qui a vu passer 80 d’entre eux. Une autre vente a eu lieu en 1938. L’ensemble que nous présentons est le plus important retrouvé depuis cette dispersion, d’où sa valeur.» Parmi les dix dessins au lavis, à la plume et à l’encre brune, L’appel de Saint Matthieu ou Saint Pierre trouvant la monnaie du tribut dans la bouche d’un poisson.


École anglaise du XVIIIe siècle
Portrait présumé de Haendel
Pastel, 42 x 55 cm
Autre lot phare, un beau dessin de Watteau aux trois crayons, sur lequel sont disposés un flûtiste, un personnage vu de dos, une main tenant un éventail et une reprise de cette main. «C’est un dessin exceptionnel par son exécution, sa taille (25 x 33,8 cm), son très bon état de conservation. C’est un vrai Watteau, comme on dit, où la matière vit beaucoup ! Ce dessin aux trois crayons (sanguine, crayon noir, craie blanche) est réalisé sur un joli papier au grain assez gros, dont l’on voit encore les fibres végétales. Il n’a pas de filigrane : sa présence n’aurait pas augmenté la valeur de l’œuvre mais aurait pu nous aider à déterminer où il se fournissait. Il y avait à l’époque de très nombreux moulins. L’estimation est de1,5 millions FF. Il est difficile de trouver des éléments de comparaison même si l’on peut citer un dessin un peu comparable, acheté il y a une dizaine d’années par le Getty Museum en mains privées, une étude de têtes aux trois crayons».


Giovanni Domenico Tiepolo
L’appel de Saint Matthieu
Lavis sépia, plume et encre
brune sur traits de crayon noir
48,5 x 38 cm
On signalera encore un nu de femme très érotique de Rodin, que l’artiste a dédicacé à Despiau, qui était son élève au début du 20e siècle et un Trois têtes astrales d’Odilon Redon, qui est parfaitement dans la thématique de l’exposition actuellement présentée au Louvre La peinture comme crime. «Il provient de la collection Fayet, qui était l’un des premiers collectionneurs de Redon, et même l’un de ses amis. Nous l’avons estimé 400 000 FF. Un dessin de Redon est certes parti pour une somme énorme l’an dernier – plus de 4 millions de francs – mais il s’agissait d’une œuvre beaucoup plus grande. Dès que l’on dépasse un certain format, les estimations augmentent fortement.»

Une curiosité se cache parmi les 210 lots : un portrait présumé de Haendel, d’auteur inconnu. Si un spécialiste en iconographie haendelienne confirmait que ce pastel de 42 x 55 cm représente bien le compositeur des rois d’Angleterre, il pourrait intéresser une clientèle de mélomanes, parfois prête à faire des folies. A 15 000 FF, il est à peine plus cher qu’une place au marché noir pour la première de la Scala…


 Rafael Pic
21.11.2001