| André Masson, Massacres
© Historial de la Grande Guerre |
Masson, un artiste sous le chocL’Historial de la Grande Guerre revient sur les « massacres » d’André Masson. Thomas Compère-Morel, commissaire de l’exposition répond à nos questions
En quoi peut-on dire que la première Guerre Mondiale a influencé l’œuvre de l’artiste ?
Thomas Compère-Morel. André Masson est mobilisé dès 1914 alors qu’il n’a pas 20 ans. C’est avec une âme d’artiste qu’il part au front, bien résolu à y trouver une nouvelle source d’inspiration, entre la vie et la violence. Non conscient de l’horreur dont il allait être témoin, Masson mémorise et emmagasine les images de ce théâtre de cruauté. En 1917, blessé au Chemin des Dames, l’artiste passe d’hôpital en hôpital psychiatrique sans pour autant se remettre de ce choc qui va marquer sa vie et son œuvre. La série des « Massacres » est réalisée de 1931 à 1934 et couvre plus d’une centaine d’œuvres. Ces dessins agissent donc comme autant de témoignages du traumatisme vécu par l’artiste dans son « expérience de la guerre ».
« Je n'ai pas réussi à me désintoxiquer... Le film est là... On m'enterrera avec!» (André Masson)
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Décrivez-nous ces œuvres
Thomas Compère-Morel. La violence est partout, le sujet reste le même, et revient sans cesse, comme une perpétuelle obsession. Il s’agit, pour la plupart, de dessins à l’encre noire sur papier blanc ou ocre. Dans ces scènes d’une grande cruauté, des hommes s’agressent au moyen d’armes blanches ou au corps à corps. Il n’y a ni char, ni fusil, mais des silhouettes épurées à la gestuelle expressive. C’est donc sans pathos que l’artiste exprime cette nouvelle technologie de la destruction : la guerre. Durant les 7 années passées à l’Historial, seulement 4 créateurs m’ont semblé rendre parfaitement compte de l’horreur qui en émane : Guillaume Apollinaire, Ernst Jünger, Otto Dix et André Masson. Dès 1926, Masson réalise un dessin automatique présentant déjà des corps, ou plutôt des masses à têtes de bêtes d’où surgit un couteau. Sous des formes plus ou moins schématiques, le mouvement reste fiévreux et sans surprise, comme si l’agression était convenue.
Mais qu’y a-t-il derrière ces représentation d’affrontements ?
Thomas Compère-Morel. Certainement bien plus que la guerre elle-même. Il va sans dire que les préoccupations fantasmatiques d’André Masson associent la lutte archaïque de l’homme contre la femme et le combat du soldat contre son ennemi. Dans ses dessins, couteaux et sexes se mélangent, comme s’il s’agissait d’une même arme. Dans Massacre dans un bordel, le talent du dessinateur s’exprime dans une parfaite fusion de ces deux combats parallèles. L’attitude des femmes offertes, consentantes, complices des maltraitances masculines n’est-elle pas synonyme de soumission devant l’absurdité de la violence ?
| Stéphanie Magalhaes 21.11.2001 |
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