En noir et Gris

Les œuvres exposées au 47 rue de Monceau retracent la production artistique de Juan Gris, artiste espagnol né à Madrid en 1887 et qui finira ses jours à Boulogne-sur-Seine en 1927. Élève de l’Ecole des beaux-arts de sa ville natale, l’artiste reçoit ensuite l’enseignement d’un maître académique qui le dégoûtera de la « bonne » peinture. Sa décision de partir à Paris se concrétise en 1906, alors que la célébrité d’un autre espagnol bat son plein : Picasso. Installé au Bateau-Lavoir, Juan Gris gagne sa vie en vendant des dessins humoristiques pour des journaux illustrés. Ses premières œuvres traduisent déjà une recherche sur le traitement des volumes et l’équilibre de la composition. La Nature morte au miroir de 1910 laisse présager d’une tendance à la simplification des formes qui s’accentuera dans les années qui suivent. Outre les croquis de femmes attablées et les compositions d’objets, l’artiste s’exerce également au portrait. La construction du visage en multiples facettes, le découpage en volumes et l’importance des ombres transparaît dans la Tête d’enfant de 1910 ou encore dans son autoportrait pour atteindre son expression ultime dans Portrait de Legua. Son voyage à Céret en 1911, accompagné de Picasso et Braque, lui donne la voie à suivre : le langage cubiste.

Il tire de cet enseignement tous les procédés cubistes : renversement des plans et variation des angles. Il refuse cependant de séparer les objets dans ses compositions, les préférant tous rassemblés au centre comme dans Livre, bouteille et verre de 1913. Pour l’artiste, les formes géométriques servent à « qualifier les objets », un ovale pour une poire, un rectangle pour une table... À la recherche de l’essence pure, Juan Gris passe rapidement du cubisme analytique au cubisme synthétique dont le stade ultime culmine en 1918. Au regard de la Nature morte à la guitare, sa production des années 1918-1920 sont remarquables par la rigueur de leur architecture. Un nouveau lyrisme apparaît ensuite, laissant place à des œuvres en rapport avec le théâtre comme ces nombreuses études de Pierrot ou Les trois masques. En 1924, il participe à l’illustration du Casseur d’assiettes d’Armand Salacrou en créant 100 lithographies dont certaines études sont ici exposées. Il est permis de penser que sa production des trois dernières années de sa vie représente le meilleur de sa création. La sérénité qui se dégage de ces dessins fait oublier l’état de santé déclinant du peintre.